S’il y a bien une chose que nos lecteurs auront compris, c’est qu’en période de crise financière, les comportements moutonniers conduisent à privilégier les valeurs refuges. Comme nous l’avons vu dans l’article de vendredi dernier, même le franc suisse, qui semblait avoir perdu ces dernières années un tel statut l’a retrouvé depuis quelques semaines à la faveur de la crise.
Toutefois, la grande gagnante du marché des changes depuis un peu plus d’un mois et demi est la monnaie japonaise. Et pour cause. Le yen, tout comme le yuan, apparaît comme une devise considérablement sous-évaluée depuis quelques années. La conséquence de cette sous-évaluation est que le yen est souvent pénalisé par le mécanisme du carry trade qui fait les beaux jours de la finance mondiale. Toutefois, la crise financière, surtout depuis la faillite retentissante de Lehman Brothers, a donné un second souffle au yen qui est également LA valeur refuge sur le marché des changes en cas de crainte généralisée.
C’est un fait. Depuis quelques semaines, le yen connaît une forte appréciation face à un panier de devises étrangères allant de l’euro au dollar, en passant par la couronne suédoise, le livre sterling et le dollar australien (cf forum).
En cette période de crise et en dépit de l’agitation des gouvernements qui jouent le rôle de pompier en essayant par tous les moyens d’éviter que la situation n’empire, les investisseurs ne sont pas convaincus. Ils redoutent notamment les effets de la récession qui se précise en zone euro et au Royaume-Uni. De fait, c’est une très forte aversion pour le risque qui est observable sur le marché des devises. Les cambistes se tournent ainsi massivement vers les valeurs refuges, au premier chef le yen, et dans une moindre mesure le dollar. Les opérations de carry trade sont délaissées, ce qui affecte notamment l’Islande, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Nombreux étaient les cambistes à avoir par exemple emprunté des yens pour les placer en couronnes islandaises à des taux supérieurs à 10%. Avec la quasi faillite de l’Islande et l’agonie de la couronne islandaise, les cambistes se dépêchent de rapatrier leurs fonds afin de dénouer leurs positions.
Enfin, le yen assoit également son raffermissement face aux autres devises à la faveur de la dégradation de la situation économique outre atlantique. N’oublions pas que les responsables américains reconnaissent qu’il sera difficile d’éviter une récession aux Etats-Unis. A demi-mot, le président de la Réserve Fédérale, Ben Bernanke, l’a aussi reconnu en avertissant que la reprise de l’économie américaine n’est pas pour « tout de suite ».