Les pays scandinaves sont réputés pour leur modèle social, que certains hommes politiques français ne peuvent s’empêcher de porter au vitriol, et par leur relative prospérité. Pour autant, même ces pays qui semblent parfois si éloignés des tourments du monde ont été touchés de plein fouet par la crise économique mondiale. Certes, les effets sur l’économie réelle ne se font pas encore ressentir aussi sensiblement qu’aux Etats-Unis ou qu’au Royaume Uni mais leurs devises sont déjà ébranlées.
La crise qui a surgi depuis quelques mois a eu pour effet de remodeler, dans une certaine mesure, le système monétaire. Pour autant, ceux qui crient à la fin du monopole du dollar devront certainement revoir leur discours dans les mois qui viennent. En effet, plus que de remodelage, il s’agit d’ajustements aux périphéries qui ont une influence sur les stratégies de trading sur le marché des changes.
Ces ajustements à la marge ont sanctionné de nombreuses devises émergentes, comme la couronne tchèque ou encore le real brésilien, mais aussi des devises beaucoup mieux établies comme la livre sterling. Entre ces deux catégories se trouvent les devises des pays scandinaves qui se portent on ne peut plus mal et devraient passer la nouvelle année en mauvais état.
Prenons un seul exemple très parlant : outre un beau diplôme et une belle médaille, les lauréats des prix Nobel de 10 millions de couronnes suédoises. Cette année, parmi les nombreux récompensés, il a fallu compter Jean Marie Le Clézio qui, entre l’annonce du prix à la mi-octobre et sa remise définitive en décembre, a vu la valeur de son chèque diminuer de 12,5%. Pour les lauréats américains, le coup est encore à plus rude puisqu’ils ont virtuellement perdu 175 000 dollars.
En fait, depuis le début de l’automne, les couronnes suédoises et norvégiennes ont perdu près de 20% de leur valeur face à la monnaie unique européenne. En cette période d’incertitude, les devises scandinaves sont considérées comme des devises à risque par rapport à l’euro et au dollar. Outre l’incertitude ambiante parmi les cambistes, il faut aussi compter sur la baisse incroyable des prix du baril du pétrole. Ayant baissé de 34% depuis fin octobre, le prix du baril pèse lourdement sur les devises fortement ancrées au cours des matières premières, comme le dollar australien mais aussi la couronne norvégienne.
L’attitude des banques centrales suédoises ne diffère pas substantiellement de celle de la Fed ou de la Banque d’Angleterre qui font preuve d’un activisme sans faille. Certes, l’activisme est moins volontairement affiché mais les banques centrales scandinaves n’ont pas été épargnées par la vague de baisses de taux, la banque centrale suédoise allant jusqu’à ramener son taux à 2% en décembre après une baisse historique de 1,75 point.
Pour l’instant, la faiblesse de leurs devises respectives ne leur pose pas de problème et les banques centrales n’envisagent pas d’intervenir sur le marché, sauf en cas de risque d’inflation. Au demeurant, comme le font remarquer des responsables de la banque centrale suédoise, une devise faible peut toujours avantager les grandes entreprises exportatrices. Le seul bémol, c’est que cette fois-ci, ce sont les mêmes entreprises qui licencient à tour de bras et que ce sont les PME qui soutiennent encore l’activité.