Alors que les bourses mondiales jouent encore au yoyo, le marché des changes est plutôt épargné comme nous l’avions rappelé dans un article rédigé il y a quelques semaines en collaboration avec Chloé Magnier, directrice de la stratégie à Saxo Banque, et Peter Rosenstreich, Chief Market Analyst chez ACM.
Pour autant, cela n’implique pas que la volatilité ne se fasse pas ressentir sur certaines devises récemment. En effet, nombreuses sont les devises qui essuient de plein fouet les conséquences de la crise économique. Outre les devises émergentes, comme le rouble, des devises bien établies, comme la livre sterling, connaissent des moments difficiles.
Le panorama du marché des changes est complètement bousculé depuis fin septembre. La livre sterling est certainement la devise qui devrait sortir la plus sinistrée de la crise. Un seul exemple : alors qu’il y a un peu plus d’un an la livre sterling était clairement surévaluée, dépassant même le seuil de 2,10 dollars, la livre sterling a cédé le quart de sa valeur face au dollar depuis janvier, soit sa plus forte baisse depuis 1992, année au cours de laquelle la livre sterling fut boutée hors du SME. Face à la monnaie unique européenne, la devise britannique s’affiche en totale perdition, pulvérisant cette semaine son troisième record consécutif de faiblesse. Certains commencent même à s’inquiéter de l’impact du déclin de la devise de Sa Majesté sur le statut de Londres comme principale place boursière et financière mondiale.
Outre l’aversion constatée vis-à-vis de la livre sterling, les cambistes semblent également opérer un repositionnement progressif face à la devise américaine. Depuis le déclenchement de la crise, le dollar affiche une confortable santé face aux autres devises, notamment l’euro. Pour autant, plus la crise se prolonge dans le temps, plus les cambistes commencent à s’interroger sur la viabilité de la devise américaine. Certes, les autorités américaines ont la capacité de mobiliser des milliards de dollars pour surmonter la crise mais ces milliards ont un impact sur le cours du dollar. En effet, l’accroissement du déficit budgétaire américain, qui devrait s’accentuer en 2009, n’a rien pour rassurer les investisseurs. A terme, il est probable que cette donnée vienne éroder le statut de valeur refuge du dollar. Comme l’a montré l’échec inquiétant du Sénat américain à trouver un accord au sujet du plan d’aide des « Big Three » de Détroit, le dollar n’est pas toujours épargné par les mauvaises nouvelles provenant des Etats-Unis. En réaction à cet échec cuisant, le dollar a dégringolé face au yen, enfonçant le seuil de 90 yens sur le marché des changes.
Une telle situation n’est évidemment pas au goût du gouvernement japonais qui doit faire face à une récession profonde et tente de préserver des débouchés pour les exportations. Afin d’y parvenir, les analystes n’excluent pas une prochaine intervention de Tokyo.
Enfin, le bal des baisses de taux s’est poursuivi cette semaine avec les décisions des banques centrales de Corée du Sud, de Suisse ou du Canada d’opérer un assouplissement monétaire. La baisse des taux effectuée par Ottawa a eu notamment pour effet de mettre au tapis le dollar canadien qui peine à se relever du fait de la récession au Canada et de la chute du cours des matières premières. Enfin, la banque centrale de Russie s’évertue tant bien que mal à freiner la chute du rouble qui est attaqué de toutes parts. Dans cette perspective, la banque centrale a élargi pour la cinquième fois en un mois jeudi dernier la marge de fluctuation du rouble. Toutefois, une telle stratégie ne devrait pas être tenable sur le long terme, les réserves de change de la banque centrale russe fondant comme neige au soleil.