Le récent redressement de la devise américaine sur le marché des changes ne doit pas induire en erreur. Certes, le climat économique outre atlantique et les perspectives, amplifiées par l’effet d’une vraisemblable pause du côté de la Réserve Fédérale, ne sont pas des leurres. Il semblerait que les Etats-Unis commencent à sortir de la crise alors que la zone euro, au départ, relativement épargnée, semble s’y engouffrer, ce qui favorise la hausse du dollar face à l’euro.
Cependant, la crise, outre un impact sur l’économie réelle que les consommateurs continuent de sentir avec une baisse du pouvoir d’achat, a eu un effet dévastateur sur l’idéologie néolibérale mise en œuvre au début des années 80 par les figures mythifiées que sont le Président Ronald Reagan et son ordonnateur, Alan Greenspan.
L’une après l’autre, ces figures, qui incarnent les années fastes de dérégulation, qui ont fait la part belle aux spéculateurs au détriment des entrepreneurs, sont écornées. L’héritage néolibéral des présidences Reagan, qui permit des années de croissance et de prospérité continues, devient un fardeau de plus en plus lourd à porter, même pour son propre camp, qui n’évoque qu’à demi-mot le nom de l’ancien président. Seul le sénateur de l’Illinois s’aventure encore à saluer cette figure, avant d’être sévèrement réprimandé par sa concurrente démocrate.
Mais celui qui souffre le plus de ce retour difficile à la réalité est Alan Greenspan. Les titres s’accumulent, le dernier en date étant « les folies de Greenspan » dans la dernière édition de Foreign Policy, pour dénoncer sa gestion idéologique de la Réserve Fédérale au cours des dix huit années pendant lesquelles il l’a dirigé. Incontestablement, il est responsable, par la politique qu’il a mise en œuvre durant les dernières années de son mandat, de l’émergence de la crise des subprimes et de son effet dévastateur sur le dollar. Pour autant, bien que son bilan, s’étalant sur près de deux décennies, est loin d’être désastreux, l’héritage qu’il a laissé à son successeur a eu pour effet de jeter un doute sur tout son bilan.
Ainsi, l’ère des spéculateurs, de ce « capitalisme qui marche sur la tête » pour reprendre l’expression impropre du Président Sarkozy, est finie. Du moins, chacun s’accordent pour rédiger son acte de décès. Les extravagances, les folies de cette ère, qui auraient réjoui Alfred Jarry, ne sont plus, ou plutôt ne devront plus être.
A sa place, une nouvelle idéologie, favorisant le contrôle de la puissance publique et le retour à une politique de grands chantiers, devra naître. A l’instar de la destruction des idoles païennes de la Ka’ba par Mahomet lors de la prise de la Mecque, de nouvelles idoles émergeront alors des décombres des anciennes.