Durant des années, le franc suisse a pu se targuer du statut de valeur refuge. En effet, la stabilité du franc suisse et le haut degré de confiance qui en résultait attiraient massivement les investisseurs en cas de période de crise ou de forte dépréciation des marchés. Cette stabilité de la monnaie helvétique était principalement attribuable à une politique monétaire conservatrice et aux réserves conséquentes d’or de la Banque Nationale Suisse.
Cependant, le comportement du franc suisse sur le marché des changes s’est lentement modifié depuis quelques années. En effet, en période de conjoncture mondiale optimiste, le franc suisse tend à se déprécier alors qu’il se valorise en cas d’accroissement du risque sur le marché. Faut il alors en conclure que le franc suisse n’est plus considéré par les investisseurs comme une valeur refuge ? La réponse à la question n’est pas simple.
Monnaie forte, le franc suisse n’en finit pas de perdre de sa valeur face à l’euro et, dans une moindre mesure, face au dollar.
Bien sûr, le progressif changement de statut du franc suisse est largement attribuable dans un premier temps à l’introduction de la monnaie unique européenne en 1999. Pour autant, l’actuelle faiblesse de la monnaie helvétique aurait dû être passagère étant donné que la Suisse possède, et toujours à l’heure actuelle en dépit de l’impact de la crise financière, de bons fondamentaux. Surtout en comparaison de certains membres de la zone euro. En d’autres termes, le comportement du franc suisse sur le marché des changes ne reflète pas les fondamentaux de l’économie.
Une sorte de complémentarité, somme toute logique en raison de l’étroit partenariat commercial entre la Confédération helvétique et les pays de la zone euro, aurait dû s’établir entre l’euro et le franc suisse. Cependant, près de neuf ans après l’introduction de la devise européenne, ce n’est pas le cas.
Pour autant, la concurrence de la monnaie européenne ne peut pas expliquer à elle seule la volatilité constatée du franc suisse sur le marché des devises. L’explication la plus logique à apporter à cet état de fait est l’impact des opérations de spéculation, dite de carry trades, qui découle de la politique monétaire de la Banque Nationale Suisse. En effet, le faible niveau des taux d’intérêt suisses en comparaison des autres pays incite largement les investisseurs à spéculer sur cette différence de taux en vendant des francs suisses, ce qui fait évidemment baisser son cours, afin d’acheter des monnaies à rendement plus élevé.
Si les taux d’intérêt de l’euro n’étaient pas aussi élevés, la monnaie unique européenne pourrait aussi être l’objet d’opérations de carry trade. Pour l’instant, ces opérations de spéculation s’abattent sur le franc suisse. Pour autant, cela n’implique pas que le franc suisse ait perdu son statut de valeur refuge. Seul un choc important sur les marchés, plus important probablement que la crise actuelle, pourrait apporter une réponse définitive.