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Interview exclusive de l’économiste M. Ruimy

Michel Ruimy est économiste dans un grand établissement financier français, professeur affilié à l'Escp-Europe et professeur à Sciences-Po Paris. Il a écrit de nombreux ouvrages et articles consacrés à l'économie et à la finance dont La Finance Islamique parue en 2008 aux éditions Sefi/Arnaud Franel.

Michel Ruimy a eu la gentillesse de nous accorder une interview exclusive dans laquelle il nous donne son avis sur la situation du marché des changes et son évolution dans les mois à venir. Nos lecteurs pourront y puiser d'importantes sources d'informations et certainement mieux comprendre les mécanismes et enjeux liés à l'évolution des principales devises du marché des changes.

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Michel Ruimy est économiste dans un grand établissement financier français, professeur affilié à l’Escp-Europe et professeur à Sciences-Po Paris. Il a écrit de nombreux ouvrages et articles consacrés à l’économie et à la finance dont La Finance Islamique parue en 2008 aux éditions Sefi/Arnaud Franel.

Michel Ruimy a eu la gentillesse de nous accorder une interview exclusive dans laquelle il nous donne son avis sur la situation du marché des changes et son évolution dans les mois à venir. Nos lecteurs pourront y puiser d’importantes sources d’informations et certainement mieux comprendre les mécanismes et enjeux liés à l’évolution des principales devises du marché des changes.

1. Bonjour Michel Ruimy et encore merci de nous avoir accordé cet entretien. Pourriez-vous je vous prie expliquer à nos lecteurs quelles sont les raisons de l’affaiblissement du dollar sur le marché des changes? 

Regardons la liste des données macroéconomiques susceptibles d’expliquer cette situation.

Au plan monétaire, les taux directeurs de la Federal Reserve et ceux de la BCE sont proches : 0% aux Etats-Unis contre 1% en zone euro. Une anticipation d’une hausse des taux en Europe pourrait initier un mouvement de capitaux vers l’euro. Mais peu de monde y croit dans les 6-9 mois à venir.

Du côté de la croissance économique, Les Etats-Unis et l’Europe rebondissent de la même manière. Donc, l’écart de croissance n’explique pas ce phénomène.

Concernant les déficits, le déficit public américain est proche de 10% du PIB. Son financement nécessite l’émission de bons du Trésor achetés par des non-résidents. Le marché s’interroge jusqu’à quand les pays émergents, et notamment la Chine, continueront à acheter de la dette en dollars. Or, si le dollar venait à s’affaiblir vivement pour atteindre, par exemple 1 EUR pour 2,10-2,20 USD, cela pénaliserait certes les importations américaines mais surtout dynamiserait leurs exportations. C’est cette situation que redoute la Chine beaucoup plus que la dépréciation de leurs réserves car cela signifierait un ralentissement du plan de charge de leurs usines avec leur train de conséquences : baisse de la croissance, hausse du chômage etc.

En fait, l’extrême faiblesse du billet vert est le 3ème instrument de relance pour l’économie américaine après les mesures fiscales et monétaires. La récession serait bien plus grave si le dollar ne serait pas aussi bon marché. Pour autant, il serait inexact de croire qu’il y a une stratégie délibérée visant à affaiblir le dollar : dans un système de change libre, ce sont les marchés financiers qui décident, les autorités monétaires ne pouvant intervenir qu’à la marge. Mais la Réserve fédérale y a concouru en décidant une injection massive de liquidités dans le système financier pour soutenir l’économie américaine. Cette politique, qui n’a aucun équivalent dans le monde, a participé à l’affaiblissement du dollar.

2. Les banque centrales semblent démunies face à la baisse du billet vert. Que peuvent-elles faire concrètement pour freiner l’appréciation de leur devise face au dollar?

Jamais sans doute les banques centrales n’ont été aussi nombreuses à intervenir simultanément sur le marché des changes. Les plus actifs sont les pays asiatiques. Récemment la Corée du Sud, la Thaïlande, l’Indonésie, l’Inde, les Philippines, Taïwan et Hongkong, sans parler de la Chine, sont intervenues pour acheter plus d’un milliard de dollars pour freiner la hausse de leurs monnaies dont certaines sont à leurs plus hauts niveaux depuis 1 an. Mais, ce ne sont pas les seuls. En Europe, la Suisse bride son franc depuis le début de l’année pour conserver le niveau de sa compétitivité-prix. La Grande-Bretagne, le Canada et la Nouvelle-Zélande, la Russie sont aussi intervenues. Toutes ces interventions pourraient déboucher sur une « guerre des changes »…interdite par la charte du FMI.

Dans les faits, si le maintien par plusieurs pays d’Asie orientale, dont au premier rang la Chine, de parités fixes sous-évaluées face au dollar a contribué à creuser le déficit des transactions courantes des États-Unis, il a permis, dans le même temps, le financement « à guichets ouverts » de ce déficit. La croissance des excédents courants asiatiques, conjuguée à des taux d’épargne locaux encore importants et, dans le cas chinois, à une réglementation draconienne du marché interne des devises, a gonflé les réserves des banques centrales en dollars. Ces excédents courants ont été jusqu’à présent réinvestis largement dans la dette publique américaine, créant un équilibre relativement stable qui pourrait faire penser au système de Bretton Woods. Le dollar est défendu par tous les pays qui ont lié leur devise au dollar et qui doivent stabiliser leur taux de change.

Ainsi, pour les États-Unis et le dollar, la fixité des régimes de change asiatiques comporte des avantages évidents en termes de financement du déficit courant, à condition que les parités soient réévaluées périodiquement. Toutefois, la stabilité de cet équilibre s’est depuis révélée plus apparente que réelle. Les niveaux actuels de réserves des institutions monétaires asiatiques sont tels qu’ils appellent une stratégie de diversification des réserves dans d’autres monnaies que le dollar. Ce mouvement de diversification ne pourra être que très progressif. En effet, les institutions monétaires qui détiennent des réserves en dollars seraient les premières victimes d’une chute du dollar provoquée par une diversification offensive.

3. Que pensez-vous de la décision du Brésil d’imposer un impôt de 2% sur les flux de capitaux? Est-ce, selon vous, une décision efficace pour freiner l’appréciation du real?

Depuis le début de l’année, le real brésilien a grimpé de près de 30% face au dollar et de d’environ 25% face à l’euro notamment du fait de la reprise brésilienne. Pour lutter contre cette appréciation, le gouvernement a décidé de créer une taxe de 2% sur les investissements de portefeuille en actions et en obligations. Il avait déjà introduit en 2008 un tel impôt avant de le supprimer en raison de la crise. Avec cette taxe, il veut aussi limiter la volatilité sur les marchés (l’indice de Sao Paulo a gagné 75% depuis le début de l’année) : la forte hausse des entrées de capitaux volatiles a engendré des craintes de la part du gouvernement quant au risque de spéculation sur les valeurs brésiliennes qu’un retournement des anticipations dégonflerait aussitôt.

Cette taxe rappelle à tous les investisseurs que le pays reste un pays émergent. Au moment d’investir, il faut tenir compte d’un grand nombre de paramètres, en particulier un brusque changement de la législation. D’autres pays émergents pourraient s’inspirer de cette initiative pour contenir la hausse de leur monnaie. En effet, le différentiel de croissance entre les pays émergents et les pays développés devrait s’accroître en 2010. Les flux de capitaux vont donc s’intensifier vers les premiers. Au lieu d’interventions sur le marché, pouvant être coûteuses, pour stériliser les entrées de capitaux, certains pays notamment en Asie, pourraient s’inspirer du Brésil.

Mais l’efficacité de cette mesure est incertaine. Si elle limite, dans une certaine mesure, l’attractivité du pays, elle ne devrait pas d’avoir d’impact significatif sur les entrées de capitaux car les investisseurs à la recherche de rendements élevés et de marchés en croissance continueront de s’intéresser à ce pays. En outre, cet impôt n’exonère pas le gouvernement des efforts indispensables à fournir en matière d’ajustements de fond. Surtout, ce pays pourra toujours arguer qu’il suit la même politique que le Chili. Celui-ci a adopté entre 1991 et 1998 des mesures similaires qui lui avaient permis de traverser sans encombre la crise asiatique de 1997-1998.

4. Pensez-vous, qu’avec la crise, le statut international du dollar a été durablement compromis?

Le dollar ferait actuellement l’objet d’une croisade de la part des pays émergents et ceux du Golfe Persique visant à le déboulonner de son piédestal de monnaie de référence internationale. Il aurait été proposé de lui substituer un panier de devises incluant l’euro, le yen, le yuan et l’or ainsi que la monnaie unifiée que les six pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Koweït, Qatar, Oman et Emirats arabes unis) entendent lancer en 2010. Or, le dollar est le pire des choix à l’exception de tous les autres. Même si le statut international du dollar a été ébranlé avec la crise, il n’existe pas, aujourd’hui, d’alternative sérieuse au dollar. N’est pas monnaie de réserve, n’est pas devise dominante qui veut.

Nous sommes dans une économie mondiale en transition. Le rééquilibrage se fait sous nos yeux. Et personne n’est en mesure de dire sur quoi il débouchera. Le dollar reste encore aujourd’hui une monnaie de référence monétaire. Il sert à régler la majeure partie des échanges internationaux. L’euro peut se développer pour devenir un des pôles du futur système mondial. Ses atouts ? La taille de son économie et de sa population, sa stabilité politique, la crédibilité de la BCE. Ses handicaps ? Une croissance structurellement molle mais aussi les réticences de la BCE à faire de l’euro une grande monnaie de réserve de peur de perdre le contrôle de la masse monétaire.

5. La Russie et la Chine souhaitent élever leur devise respective, le rouble et le yuan, au rang de devises internationales. Quels sont les principaux obstacles à surmonter?

Partisan de la réforme du système monétaire international et de sa moindre dépendance au billet vert, Pékin met en place sa stratégie d’internationalisation du yuan. Après avoir accordé en avril 650 milliards de yuans de swaps de devises à ses partenaires commerciaux, la Chine a placé 6 milliards de yuans de titres d’Etat hors du « continent ». Une première ! Cette opération vise notamment à accélérer la circulation du yuan dans les pays voisins et élever la dimension internationale du renminbi. A terme, les devises des « petits » pays émergents devraient graviter davantage autour du renminbi et non plus autour du dollar. Néanmoins, le yuan devra être convertible pour espérer s’imposer comme une devise internationale.

Quant à la Russie, elle cherche à s’émanciper du dollar. Le Président Medvedev a évoqué la nécessité de diversifier les monnaies de réserves de change internationales en vue de limiter l’exposition de son économie au dollar. Par ailleurs, la Russie envisage d’émettre, sur le marché de la dette, à l’international, dans un avenir proche, des titres en devises. Mais il en faudra bien plus pour les Russes aient un jour confiance en leur monnaie car aujourd’hui, les résidents de ce pays ont la possibilité d’ouvrir des comptes en devises ou encore de convertir leurs dépôts en roubles en dollars.

 

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