Quiconque est familier des mécanismes généraux du marché des changes sait que le cours des devises est particulièrement influencé par l’évolution du cours des matières premières. Les principales devises dites « matières premières » sont les dollars des antipodes (dollars australien, néo-zélandais et canadien), le rand sud-africain, le rouble et le real brésilien. A ces devises correspondent les principaux pays producteurs de matières premières du monde.
La corrélation entre matières premières et devises
La corrélation entre ces devises et l’évolution de la demande mondiale est particulièrement frappante. A titre d’exemple, la semaine dernière, le gouverneur de la banque centrale australienne, Glenn Stevens, avait justifié un nouveau relèvement monétaire du dollar australien en expliquant que la demande de matières premières chinoise avait soutenu la reprise de l’activité dans la région.
Nombreuses sont les matières premières qui attirent le regard des investisseurs : l’or, considéré comme une valeur refuge, le pétrole, le gaz, le lithium, l’aluminium et de nombreux autres minerais dits stratégiques dont le titane.
Le titane, un minerai stratégique pour la Chine et l’Inde
Le titane est le 7ème métal le plus abondant sur la planète. Les principaux pays producteurs sont l’Australie, l’Afrique du Sud, le Canada et, dans une moindre mesure, la Russie et les Etats-Unis. Le marché du titane est intéressant à maints égards, notamment car marché longtemps dominé par les russes et les américains, il s’est ouvert récemment à une concurrence accrue avec l’arrivée remarquée des géants asiatiques, la Chine et l’Inde. Les deux pays se sont récemment positionnés sur le secteur comme l’attestent les plans pluriannuels de développement de l’industrie de défense de ces deux pays.
Les applications du titane dans l’industrie
Doté d’une densité inférieure de 40% à celles des aciers au carbone à résistance similaire, résistant exceptionnellement à la corrosion et bio-compatible, le titane est l’un des minerais les plus demandés dans le monde. Il est principalement utilisé dans l’industrie aéronautique et aérospatiale même si ses applications technologiques sont plus vastes. Ainsi, il constitue en moyenne 6 à 9% de la masse des avions de ligne. Le premier producteur mondial de produits à base de titane est le russe VSMPO-Avisma, détenu à 41% depuis 2006 par l’Etat russe via la firme d’armement Rosoboronexport. VSMPO-Avisma a opéré une véritable OPA sur le marché du titane depuis quelques années en signant des contrats avec les principaux clients du secteur, Boeing et Airbus.
Le marché du titane, pouls du dynamisme mondial
Face à la demande croissante de la Chine et de l’Inde, les capacités de production des pays producteurs ont été augmentées avec de nouveaux investissements. Ainsi, l’Australie a récemment investi 700 millions de dollars dans une unité produisant du titane grâce à une nouvelle technologie capable de diviser par deux le coût de production du métal. Le marché du titane est étroitement dépendant de la conjoncture mondiale et notamment du dynamisme du marché de l’aéronautique. De manière générale, les prix varient entre 8 et 10 dollars le kilo, pouvant tomber jusqu’à 5 dollars. Du fait de la crise économique et financière, les besoins et les prix n’ont cessé de chuter pour atteindre le niveau historiquement bas de 3 dollars le kilo. A la crise, il faut aussi ajouter les retards du Dreamliner 787 de Boeing qui ont provoqué un excédent de matière sur le marché qui ne pourra pas être résorbé a priori avant mi 2010-2011, ce qui pousse encore plus les prix à la baisse. Grâce à la reprise, les prix ont repris progressivement à la hausse et ont contribué au dynamisme des devises liées, notamment le dollar australien et le dollar canadien.
Alors que les investisseurs surveillent étroitement l’évolution du baril de pétrole pour anticiper l’évolution du cours des devises « matières premières », ils ne doivent pas non plus négliger les autres matières premières et notamment des minerais comme le titane qui, du fait de leur valeur stratégique, sont au coeur des dynamiques d’investissement de la Chine et de l’Inde, principaux pays à pousser le prix des matières premières à la hausse et donc à entretenir le cycle haussier des monnaies liées.