Les fidèles lecteurs de forex.fr suivent régulièrement l’actualité du Forex et des marchés financiers en général, qui sont tous liés. Nos analyses ont pour but de leur permettre de comprendre les développements sur les marchés et de favoriser leur capacité d’anticipation. Aujourd’hui, nous allons essayer de comprendre les événements de ces derniers mois sur le marché des devises et voir à quel point la direction prise par la plupart des pays de la planète risque de mener à plus ou moins court terme à une forme cachée de protectionnisme, destructeur et dangereux pour l’économie mondiale.
Depuis maintenant une quinzaine ou une vingtaine d’années, dans pratiquement le monde entier, la tendance avait été à la non-intervention des banques centrales sur le marché des changes, et ce, pour des raisons simples. Tout d’abord, le marché des changes est le marché le plus grand marché de la planète et la possibilité qu’un ou même plusieurs acteurs de ce marché puisse(nt) influencer à long terme sur le cours des devises est quasi-nulle, et tout le monde s’en rend bien compte. Pour cette raison, au cours du temps, les essais des diverses banques centrales de manipuler les cours par le moyen d’achat ou de ventes de devises ont toujours été des échecs patents. Cette leçon avait fini par porter et le marché fonctionnait sans problèmes particuliers, jusqu’à la crise financière. Par ailleurs, au-delà de l’inutilité de ces interventions, et c’est le plus grave, l’intervention d’un pays en entraîne presque toujours celle d’un autre, puisque tout le monde veut « défendre sa monnaie » ou encore « défendre ses exportations ». Ces interventions, appelées « dévaluation compétitive », entraînent donc en général un cercle vicieux d’interventions et de contre-interventions qui ont en général pour effet net d’appauvrir tout le monde, en créant de l’inflation ou de la dette, puisqu’il faut bien faire venir le capital de quelque part. C’est en fait une forme cachée de protectionnisme, qui est, comme chacun le sait, très coûteux, inefficace et préjudiciable à l’économie en général et à l’emploi en particulier.
La crise financière a eu des conséquences sur la totalité des classes d’avoirs financiers, et le marché des devises n’a pas échappé à cette tendance. En particulier, suite à la baisse massive des taux d’intérêts sur le dollar à son plus bas niveau historique, 0%, la devise principale dans le commerce mondiale, le dollar américain, l’USD, a rapidement et fortement continué et accentué une tendance de fond de long-terme, c’est-à-dire sa dévaluation. Pire encore, l’USD a remplacé le Yen, le JPY, comme devise principale pour effectuer des carry trades, ces transactions où l’on finance l’achat d’une monnaie avec un taux d’intérêt élevé en vendant une monnaie avec un taux d’intérêt faible, comme le dollar aujourd’hui. La faiblesse du dollar risque donc de devenir structurelle et permanente. Or, un dollar faible veut dire que les exportations des pays étrangers vers les Etats-Unis, principal marché de la planète, deviennent plus chères, ce qui porte atteinte à leurs exportations, et donc à leurs industries tournées vers les marchés extérieurs. Pour nombre de pays vivant des exportations, cette situation peut avoir des aspects franchement dramatiques, avec des fermetures d’usines, des licenciements massifs, etc. Tout cela met donc la pression sur les décideurs dans ces pays, comme la Suisse, Israël, le Vietnam ou de nombreux autres pays asiatiques, qui se voient souvent contraints d’intervenir sur le marché des changes en achetant des USD dans l’espoir d’empêcher ou au moins de freiner sa dévaluation. En particulier, la Chine a attaché sa monnaie, le renminbi, au dollar, alors même que celle-ci est aux dires de tous largement sous-évaluée. L’objectif du gouvernement de Beijing est bien évidemment de favoriser ses exportations, qui sont le moteur de l’économie chinoise. Le problème est que les partenaires commerciaux de la Chine, au premier rang desquels, les Etats-Unis, l’Europe et les voisins immédiats de la Chine, ne sont pas content et sont aussi poussés à jouer ce méchant jeu de l’intervention sur le marché des changes.
La dernière décision en date est justement le fait du Vietnam, qui a décidé la semaine dernière de dévaluer sa monnaie de 5% pour se protéger de la sous-évaluation du renminbi. La Thaïlande et les autres pays de la région ont répondu de manière très inquiète à cette mesure vietnamienne et seront probablement forcés de répondre. Tout cela n’augure rien de bon et nous sommes peut-être à la veille d’une guerre des devises, une espèce de version moderne de conflit global protectionniste, dont nous risquons tous de souffrir.
Le moment est venu pour tous les acteurs de l’économie mondiale de se ressaisir, de laisser les marchés jouer leur rôle régulateur sans intervenir et de ramener le système à l’équilibre, pendant qu’il en est encore temps.