Au début de l’année, plusieurs économistes s’attendaient que, du fait de l’appétit au risque, le dollar se retrouve dans une situation gagnant-gagnant, en dépit de la politique monétaire très accommodante conduite par la Fed. Le bilan du premier trimestre est plutôt mitigé puisque le billet vert a, un temps, profité de l’aversion au risque lié aux évènements dans les pays arabes mais, une fois que la tension s’est apaisée, le dollar fut confronté à des relèvements de taux directeurs un peu partout dans le monde, tandis que la Réserve Fédérale réaffirmait, à chaque réunion du FOMC, son engagement à aller au bout de l’Easing Quantitative II qui cours jusqu’au mois de juin. Alors que le nouveau Congrès américain, comprenant des représentants du Tea Party, ambitionnait, en janvier, de stopper le recours à la planche à billet par la Fed et de recentrer la politique monétaire sur la gestion de l’inflation, rien n’a été fait jusqu’à présent. Le risque actuel est que la Fed, bien que divisée, s’oriente vers un Easing Quantitative III qui aurait pour conséquence d’affaiblir durablement le dollar. Afin d’éviter ce scénario, trois solutions sont possibles:
– le redressement de l’économie américaine caractérisé par des chiffres encourageants de l’emploi et du secteur immobilier ou une hausse trop importante de l’inflation qui obligerait la Fed à retourner à une politique monétaire normale
– la révision à la baisse des perspectives de croissance mondiale qui pourraient obliger certaines banques centrales à freiner leur politique de durcissement monétaire ce qui contribuerait à un statu quo pour le dollar
Euro: La poursuite du come-back?
Depuis le début de l’année, et en dépit de la crise obligataire qui a frappé les PIIGS, l’euro a affecté un véritable come-back qui l’a conduit le 27 avril dernier à un plus haut depuis décembre 2009, au-dessus de 1.47 dollar. L’aboutissement de mois de tergiversations entre les hommes politiques européens afin d’aboutir à un plan crédible de soutien aux pays en difficulté financière semble finalement avoir eu des effets positifs pour la monnaie unique européenne. N’en demeure pas moins que le manque de solidarité à l’échelle européenne et l’inconscience des responsables européens à peser pendant longtemps. Il semble vraisemblable que, bien que la BCE ne va pas remonter dans l’immédiat ses taux, l’euro devrait continuer son come-back. Reste cependant à savoir quel pourrait être l’impact sur le marché d’une restructuration de la dette d’un pays ayant fait appel à l’aide du FMI et de l’UE et à connaître le résultat des tests de résistance opérés sur les principales banques européennes.
Yen: Est-ce que la dette va peser?
La catastrophe du 11 mars 2011 a, dans un premier temps, produit une réponse positive du marché en entraînant le yen à la hausse. Les investisseurs ont en fait réagi de la même manière que lors du séisme de Kobe en 1995 qui avait poussé le yen à son plus haut niveau, juste en-dessous de 80, principalement en raison de rapatriements de capitaux par les entreprises du pays. Cependant, il est probable que le marché réagisse à terme différemment car la situation financière et budgétaire du pays est bien différente de celle de 1995. Pour reconstruire rapidement, le gouvernement n’a pas d’autre choix que de creuser le déficit, qui atteint déjà 200% du PIB, et de recourir à la planche à billets, comme l’a fait la Fed. La récente mise sous perspective négative de la note de la dette à long terme du pays par l’agence S&P montre à quel point la pression est forte sur Tokyo et aussi sur le yen. Reste cependant à savoir comment les marchés vont réagir à un creusement du déficit. Jusqu’à présent, le yen a bien résiste sur le long terme.
Le franc suisse: l’anti-euro par excellence?
Au cours des quinze derniers mois, le franc suisse est surtout apparu comme l’anti-euro par excellence, la devise refuge pour faire face à la crise souveraine dans la zone euro. Au cours des deux derniers mois, du fait de l’atténuation de l’impact de la crise obligataire sur le taux de change de la monnaie unique, nous avons constaté une nette chute du franc suisse. De manière générale, le comportement de la devise helvétique est assez erratique, évoluant en fonction des hausses ou baisses de taux et du focus donné par les investisseurs à la question de la dette dans la zone euro. Un nouveau regain de crise de l’euroland pourrait avantager au cours du deuxième trimestre le taux de change du franc suisse.
La livre sterling: la hausse malgré la BoE?
Comme nous l’annoncions en tout début d’année, la livre sterling fut la surprise de ce premier trimestre. Dans un contexte d’assouplissement quantitatif et de crainte pour l’inflation, la devise de Sa Majesté a enregistré de bonnes performances face à l’USD. Bien que le gouverneur King semble toujours être un fervent tenant du maintien des taux directeurs à leur niveau actuel, trois membres du Comité de politique monétaire ont plaidé au cours de deux derniers mois en faveur d’un redressement des taux directeurs afin de contrer les pressions inflationnistes. Il n’est pas certain qu’au cours du deuxième trimestre, ces membres parviennent à convaincre leur coreligonnaires d’aller dans leur sens. Toutefois, la perspective d’une hausse des taux semble plus proche au Royaume Uni qu’aux Etats-Unis ce qui devrait favoriser au cours du deuxième trimestre la livre sterling. Sur le long terme, l’impact des mesures d’austérité et la balance commerciale britannique devraient toutefois peser sur la monnaie.
Le loonie, l’aussie et le kiwi: La fin de l’unité des devises matières premières?
Il est courant de parler de « devises matières premières » à des fins simplificatrices. Toutefois, les devises qui sont intégrées à cette dénomination sont loin de connaître les mêmes performances. L’Aussie a suivi au cours du premier trimestre une tendance cyclique, profitant de la hausse des matières premières sur les marchés mondiaux, mais n’enregistrant toutefois pas des performances proches de celles de 2010. En effet, l’inquiétude grandit concernant l’économie chinoise qui montre des signes évidents de stress, ce qui devrait avoir un impact au deuxième trimestre sur le taux de change du dollar australien. De plus, l’éventualité d’une nouvelle hausse des taux directeurs semble reportée sine die ce qui constitue un mauvais point pour l’Aussie. Le dollar canadien, bien qu’il ait montré des signes de fragilité, a des atouts considérables: une économie qui affiche une croissance plus confortable que son grand voisin du sud et surtout un système financier solide. Fluctuant en fonction du cours des matières premières, le CAD est toutefois une valeur plus sûre sur le marché des changes que l’Aussie bien que ses mouvements soient plus contenus face au dollar. Enfin, après le tremblement de terre en Nouvelle-Zélande, qui a conduit la banque centrale à baisser d’urgence les taux, le kiwi a enregistré de piètres performances. Porté à la fin du premier trimestre par le rebond de l’Aussie, le dollar néo-zélandais a repris un peu de terrain mais l’avenir s’annone compliqué pour la devise, en raison du coût important de la reconstruction, le séisme ayant fait perdre des points de PIB au pays.
Couronne norvégienne et couronne suédoise: Vers un découplage?
Au premier trimestre, les deux devises scandinaves suivaient à peu près la même direction, avec une corrélation constatée. Pour le deuxième trimestre, la situation pourrait être un peu différente. La couronne suédoise devrait poursuivre son rallye haussier, suivant en partie la tendance des marchés actions européens, mais à un rythme beaucoup moins rapide que la couronne norvégienne. La hausse prévue des cours du baril de pétrole et de prochaines hausses des taux directeurs par la Norges Bank devraient porter nettement à la hausse la devise qui avait enregistré de mauvaises performances au plus fort de la crise financière et économique.