Depuis le début de l’année, à échéance régulière, l’hypothèse d’une restructuration de la dette grecque a été évoquée à maintes reprises, mais toujours rejetée. Avec les nouvelles rumeurs qui circulent, cette hypothèse semble de plus en plus probable.
Point avec Christopher Dembik, rédacteur en chef de forex.fr, diplômé de Sciences-Po Paris et auteur de nombreux éditoriaux dans des journaux dont le Krakow Post et le Jerusalem Post.
Claire Boyer – Est-ce que une restructuration de la dette grecque est crédible aujourd’hui?
Christopher Dembik – Crédible. Oui, de plus en plus. Evidemment, personne souhaite qu’un tel scénario se produise, surtout pas à Francfort, Bruxelles et Athènes. Cependant, soyons réalistes : selon les accords passés, Athènes devrait retourner sur les marchés dès 2012. Peu vraisemblable quand on sait que, juste cette année, l’endettement du pays se monte à 152% et que les taux de rendement sont à plus de 25% pour les bons du Trésor à deux ans. Je ne vois pas ce qui pourrait, dans les huit prochains mois inverser totalement la tendance, permettant ainsi au pays de venir de financer normalement sur les marchés, à des taux raisonnables.
Claire Boyer – Faut-il craindre un effet domino?
Christopher Dembik – Je ne suis en général jamais partisan du fantasme de l’effet domino. Il peut exister dans le cas du secteur bancaire, comme nous l’avons presque vu avec Lehman Brothers, mais, dans le cas des Etats, la situation est différente, quand bien même ils appartiendraient à la même union monétaire. Quand on regarde de près, les situations de l’Irlande, de la Grèce et du Portugal sont totalement différentes, à quelques points près. En Irlande, c’est une faillite bancaire avant tout, en Grèce il s’agit surtout d’une mauvaise gestion des finances publiques au sens large. Une restructuration de la dette de la Grèce ne devrait par conséquent pas engendrer une dynamique négative pour les autres pays de la zone euro.
Claire Boyer – Quelle conséquence pour les investisseurs?
Christopher Dembik – D’abord, un affolement qui devrait faire grimper certains taux sur le marché obligataire, mais sans conséquence sur le moyen terme. Ensuite, prendre son mal en patience car, en cas de restructuration de la dette de la Grèce, une partie des dettes ne sera pas remboursées et l’échéance de remboursement sera très considérablement allongée. Le cas argentin de 2001 pourrait servir d’exemple: lors de la cessation de paiement du pays, les créances furent échangées contre de nouveaux titres ayant une valeur nominale nettement inférieure aux précédents et l’échéance fut portée à 30 ans. Dans tous les cas, il semble probable que l’UE veuille que les investisseurs prennent en charge une part du fardeau. La Finlande milite d’ailleurs dans ce sens pour le cas du Portugal. Cette solution n’est peut-être pas idéale mais elle semble toutefois équitable car, parmi ces investisseurs, nombreux sont des spéculateurs qui ont accentué volontairement les difficultés de la Grèce ou d’autres pays européens afin d’augmenter leurs gains rapidement.
Claire Boyer – Quel serait l’impact d’une restructuration sur le secteur bancaire européen et surtout sur les banques françaises?
Christopher Dembik – Au niveau européen et notamment français, il ne faut pas exagérer l’exposition des banques de la zone euro à la dette grecque. Notre système bancaire européen est relativement solide, bien que les derniers tests de résistance furent à mon avis biaisés, afin de rétablir la confiance. Selon BNP Paribas, le coût d’une restructuration de la dette grecque serait de 1.2 milliard d’euros pour le groupe. Une somme conséquente mais qui ne représente presque rien pour la banque, leader dans la zone euro. Des propos allant dans le même sens ont été diffusés récemment par des responsables de la Société Générale ou du Crédit Agricole qui sont très investis en Grèce, notamment via des succursales.
Ce qui m’inquiète, ce sont plutôt les banques grecques qui essuieraient de plein fouet une restructuration ce qui pourrait entraîner un mouvement de défiance de la population du pays et probablement des faillites. Un tel cas de figure obligerait le gouvernement d’Athènes à réagir, via des nationalisations, et des injections de milliards d’euros, ce qui accentuerait nettement les difficultés financières du pays. Il aurait été sage, comme pour le cas du Portugal, de prévoir dans l’aide de l’UE et du FMI une enveloppe destinée spécifiquement au secteur bancaire grecque.
Claire Boyer – Quelle solution préconisez-vous pour faire face à la crise actuelle?
Christopher Dembik – Une aide supplémentaire semble inévitable. Les Européens semblent d’accord sur le principe, maintenant reste à négocier les conditions. Il est probable que Berlin impose, en échange de son soutien, des conditions très strictes afin de ne pas pénaliser davantage la chancelière Merkel et son parti auprès de la population allemande qui rechigne à aider la Grèce.
Une restructuration de la dette n’est pas la solution miracle mais elle pourrait permettre à Athènes de prendre davantage son temps dans ses réformes, sans asphyxier une population qui paie des décennies d’incompétence politique. Afin d’éviter une accentuation de la crise, via le secteur bancaire, il suffirait simplement de vérifier que la restructuration ne concerne que les détenteurs de dette étrangers, ce qui permettrait aux banques locales de s’en sortir, bien qu’elles vont rester pendant encore de longs mois très dépendantes de la BCE.
Depuis le début de l’année, à échéance régulière, l’hypothèse d’une restructuration de la dette grecque a été évoquée à maintes reprises, mais toujours rejetée. Avec les nouvelles rumeurs qui circulent, cette hypothèse semble de plus en plus probable.
Point avec Christopher Dembik, rédacteur en chef de forex.fr, diplômé de Sciences-Po Paris et auteur de nombreux éditoriaux dans des journaux dont le Krakow Post et le Jerusalem Post.
Claire Boyer – Est-ce que une restructuration de la dette grecque est crédible aujourd’hui?
Christopher Dembik – Crédible. Oui, de plus en plus. Evidemment, personne souhaite qu’un tel scénario se produise, surtout pas à Francfort, Bruxelles et Athènes. Cependant, soyons réalistes : selon les accords passés, Athènes devrait retourner sur les marchés dès 2012. Peu vraisemblable quand on sait que, juste cette année, l’endettement du pays se monte à 152% et que les taux de rendement sont à plus de 25% pour les bons du Trésor à deux ans. Je ne vois pas ce qui pourrait, dans les huit prochains mois inverser totalement la tendance, permettant ainsi au pays de venir de financer normalement sur les marchés, à des taux raisonnables.
Claire Boyer – Faut-il craindre un effet domino?
Christopher Dembik – Je ne suis en général jamais partisan du fantasme de l’effet domino. Il peut exister dans le cas du secteur bancaire, comme nous l’avons presque vu avec Lehman Brothers, mais, dans le cas des Etats, la situation est différente, quand bien même ils appartiendraient à la même union monétaire. Quand on regarde de près, les situations de l’Irlande, de la Grèce et du Portugal sont totalement différentes, à quelques points près. En Irlande, c’est une faillite bancaire avant tout, en Grèce il s’agit surtout d’une mauvaise gestion des finances publiques au sens large. Une restructuration de la dette de la Grèce ne devrait par conséquent pas engendrer une dynamique négative pour les autres pays de la zone euro.
Claire Boyer – Quelle conséquence pour les investisseurs?
Christopher Dembik – D’abord, un affolement qui devrait faire grimper certains taux sur le marché obligataire, mais sans conséquence sur le moyen terme. Ensuite, prendre son mal en patience car, en cas de restructuration de la dette de la Grèce, une partie des dettes ne sera pas remboursées et l’échéance de remboursement sera très considérablement allongée. Le cas argentin de 2001 pourrait servir d’exemple: lors de la cessation de paiement du pays, les créances furent échangées contre de nouveaux titres ayant une valeur nominale nettement inférieure aux précédents et l’échéance fut portée à 30 ans. Dans tous les cas, il semble probable que l’UE veuille que les investisseurs prennent en charge une part du fardeau. La Finlande milite d’ailleurs dans ce sens pour le cas du Portugal. Cette solution n’est peut-être pas idéale mais elle semble toutefois équitable car, parmi ces investisseurs, nombreux sont des spéculateurs qui ont accentué volontairement les difficultés de la Grèce ou d’autres pays européens afin d’augmenter leurs gains rapidement.
Claire Boyer – Quel serait l’impact d’une restructuration sur le secteur bancaire européen et surtout sur les banques françaises?
Christopher Dembik – Au niveau européen et notamment français, il ne faut pas exagérer l’exposition des banques de la zone euro à la dette grecque. Notre système bancaire européen est relativement solide, bien que les derniers tests de résistance furent à mon avis biaisés, afin de rétablir la confiance. Selon BNP Paribas, le coût d’une restructuration de la dette grecque serait de 1.2 milliard d’euros pour le groupe. Une somme conséquente mais qui ne représente presque rien pour la banque, leader dans la zone euro. Des propos allant dans le même sens ont été diffusés récemment par des responsables de la Société Générale ou du Crédit Agricole qui sont très investis en Grèce, notamment via des succursales.
Ce qui m’inquiète, ce sont plutôt les banques grecques qui essuieraient de plein fouet une restructuration ce qui pourrait entraîner un mouvement de défiance de la population du pays et probablement des faillites. Un tel cas de figure obligerait le gouvernement d’Athènes à réagir, via des nationalisations, et des injections de milliards d’euros, ce qui accentuerait nettement les difficultés financières du pays. Il aurait été sage, comme pour le cas du Portugal, de prévoir dans l’aide de l’UE et du FMI une enveloppe destinée spécifiquement au secteur bancaire grecque.
Claire Boyer – Quelle solution préconisez-vous pour faire face à la crise actuelle?
Christopher Dembik – Une aide supplémentaire semble inévitable. Les Européens semblent d’accord sur le principe, maintenant reste à négocier les conditions. Il est probable que Berlin impose, en échange de son soutien, des conditions très strictes afin de ne pas pénaliser davantage la chancelière Merkel et son parti auprès de la population allemande qui rechigne à aider la Grèce.
Une restructuration de la dette n’est pas la solution miracle mais elle pourrait permettre à Athènes de prendre davantage son temps dans ses réformes, sans asphyxier une population qui paie des décennies d’incompétence politique. Afin d’éviter une accentuation de la crise, via le secteur bancaire, il suffirait simplement de vérifier que la restructuration ne concerne que les détenteurs de dette étrangers, ce qui permettrait aux banques locales de s’en sortir, bien qu’elles vont rester pendant encore de longs mois très dépendantes de la BCE.