L’enjeu de ce lundi est de savoir jusqu’à quel point la Banque Centrale Européenne, maintenant dirigée par un Italien, est prête à intervenir sur le marché obligataire pour limiter la contagion de la crise souveraine. C’est une semaine propice pour une réelle mise en avant de l’institution de Francfort alors que de nouveaux gouvernements de technocrates, plus prompts à restaurer la confiance des marchés, ont pris place en Italie et en Grèce.
Jusqu’à présent, la BCE s’est contentée d’interventions relativement mineures sur le marché secondaire. Son action s’est surtout limitée sous le mandat de Jean Claude Trichet à endiguer la spéculation plutôt qu’à la prévenir. Le résultat est sans appel: sur la durée, les taux italiens, portugais et espagnols continuent d’atteindre des niveaux historiques mais le phénomène touche aussi, désormais, d’autres pays membres de l’EuroZone, comme la France et la Slovénie, qui ont connu la semaine dernière des jours difficiles sur le marché obligataire.
Depuis quelques jours, une solution a priori ambitieuse se répand sur les marchés financiers: supprimer les rendements sur les obligations des pays européens fragiles. Dans la pratique, il s’agit presque tout simplement de mettre en place des mesures similaires à celles prises par la BNS sur le marché des changes pour protéger le franc suisse mais de les transposer sur le marché de la dette. Il s’agirait, comme l’a mis en avant la banque Goldman Sachs au cours de la semaine dernière, que la BCE déclare un taux d’intérêt plafond pour une liste précise de pays européens et qu’elle affirme vigoureusement aux marchés que si les obligations d’un pays donné atteignent un taux prédéterminé, elle interviendra massivement.
La BCE semble, vue hors Europe, le seul moyen pour mettre un terme à la crise. Le véhicule d’investissement du fameux FESF n’a clairement séduit aucun pays émergents puisque des géants comme le Brésil ont affirmé que leur soutien à l’Europe passera obligatoirement par le FMI et, pire encore, vendredi dernier, le Premier ministre Poutine, lors d’une intervention, a exprimé sa défiance vis à vis du FESF, saluant uniquement l’action de la BCE. Au final, les nombreuses tergiversations au sujet du FESF n’ont convaincu que les européens mais nos partenaires, eux, comptent toujours sur la BCE qui possède une force de frappe énorme si nous réussissons à sortir des chantiers battus.
Nul n’est encore en mesure de savoir comment vont réagir les marchés ce matin, à l’ouverture de la session européenne. Il reste fort probable, toutefois, que les investisseurs vont saluer les départs de Silvio Berlusconi et de George Papandréou. Mais, à terme, la crise est toujours bien présente. D’ailleurs, la poursuite de la hausse des taux italiens, en fin de semaine dernière, alors que Silvio Berlusconi s’était engagé à démissionner, montre aisément que la crise actuelle n’est pas liée à la gestion politique d’un ou de deux responsables. C’est une véritable crise de confiance qui ébranle la construction politique, économique et monétaire de l’Europe mais qui n’est nullement une crise de l’euro, comme certains commentateurs l’affirment à tort.
Bien que l’euro baisse sur le marché des changes, la devise est encore à des niveaux très élevés, qui témoignent de la confiance internationale en la monnaie unique, un projet qui est aisément dissociable de la situation économique de nombreux pays ou des lacunes en termes de fédéralisme et d’homogénéité économique et budgétaire au niveau européen.