La lire turque fait partie, depuis plusieurs mois, des victimes collatérales de la crise actuelle, avec une perte de près de 16% depuis le début de l’année face au dollar américain. C’est l’une des devises des pays émergents, selon le panier Bloomberg, qui a enregistré les pires performances cette année sur le marché Forex.
Atteignant des niveaux de faiblesse record, la lire turque a contraint l’économie du pays à se repositionner. Si les entreprises locales exportatrices bénéficient de ce mouvement de faiblesse, les importateurs et les compagnies multinationales implantées en Turquie sont les premières victimes de la faiblesse de la lire.
Deux raisons expliquent principalement ce mouvement de faiblesse de la monnaie turque:
1. La hausse du déficit des comptes courants qui fait pression très fortement sur les réserves de la banque centrale et sur le taux de change de la lire.
2. La crise souveraine européenne qui n’épargne pas non plus la Turquie et qui incite les investisseurs à se réfugier sur les valeurs refuge, plutôt que sur les monnaies des pays émergents. Ce phénomène touche aussi bien la lire turque que le zloty polonais ou le real brésilien.
En dépit des interventions de la banque centrale sur le marché et des mesures récemment prises, la lire turque continue son affaiblissement, à un rythme soutenu. Et pour cause, car la banque centrale refuse pour l’instant d’user de l’arme des taux d’intérêt pour renforcer la lire, soulignant que sa priorité est avant tout de maintenir la croissance économique, à un moment où elle est menacée par la baisse des exportations vers l’UE, du fait de la crise souveraine.
Tous les experts, surtout, ne s’accordent pas sur l’utilité d’une hausse des taux d’intérêt, certains soulignant, probablement sans raison, qu’une hausse pourrait être interprétée par les marchés comme un mouvement désespéré pour soutenir la lire contre le dollar américain, ce qui aurait pour conséquence d’accentuer la fuite des capitaux et la baisse de la lire. Une thèse contestable puisque d’autres pays ont eu recours à la hausse des taux, avec efficacité. La Turquie a évidemment ses propres spécificités, mais elle doit aussi tirer des enseignements des mesures prises ailleurs.
Sans action réellement décisive, et alors que la banque centrale ne pourra pas continuer éternellement à gaspiller ses réserves de change via des opérations quasi quotidiennes sans réel effet positif, il faut s’attendre à ce que la lire, qui connaît un mouvement de dépréciation de moyen terme, évolue à la baisse au moins jusqu’au début de l’année 2013, lorsque les premiers signes de reprise durable commenceront à apparaître. La probable récession de la zone euro l’année prochaine, comme estimée par UBS, ne devrait qu’amplifier le mouvement de baisse de la monnaie turque sur le marché des devises.