Les non-farm payrolls (aussi appelés NFP) et le PIB américains (en première lecture) sont deux des indicateurs macroéconomiques les plus susceptibles de faire bouger les prix des devises sur le marché des changes. Ils sont habituellement considérés par les traders comme des données fiables offrant une vision globale de la santé de la première économie mondiale.
Une étude récente de Goldman Sachs (2013) vient de confirmer la prépondérance de ces indicateurs dans les décisions d’investissement des acteurs du forex. Les NFP et le PIB sont très largement vecteurs de mouvements sur les prix alors que des données plus régionales comme l’indice de la Fed de Philadelphie ou les directeurs d’achat de Chicago n’ont pour ainsi quasiment pas d’effets sur les devises. Juste derrière, mais loin derrière les NFP et le PIB, on retrouve l’indice ISM et les revendications chômage hebdomadaires.
De manière ironique, l’étude montre pourtant que les indicateurs présentés souvent comme cruciaux par les traders sont beaucoup moins fiables du point de vue économique que les indices régionaux américains, car ils sont justement susceptible de révision parfois de grande ampleur. Les premières estimations sont celles prises en compte par le marché des changes mais, en réalité, l’estimation finale diffère souvent grandement des premières chiffres, introduisant donc un biais conséquent sur le marché, qui n’est souvent pas intégré rapidement dans les prix.
La raison du comportement des investisseurs est simple: contrairement aux principes de la théorie des marchés efficients, les opérateurs ne sont pas rationnels et sont soumis, comme le montrent les travaux de la finance comportementale, à de nombreux biais psychologiques qui font que les prix ne reflètent souvent pas leur valeur économique fondamentale. Il en est ainsi du dollar américain où des effets de domination et de simplification jouent beaucoup sur le taux de change. Les cambistes sont à la recherche de données simples, prétendument révélatrice d’un état de fait, ce qui les incitent mécaniquement à faire abstraction des données régionales, plus complètes, mais qui nécessitent un travail d’analyse et de compréhension plus grand. Et on sait que sur le marché des changes, le temps, c’est de l’argent!
Cette tentation simplificatrice des cambistes peut avoir à terme des effets considérables sur les prix: une révision fortement à la baisse du PIB américain peut entraîner des mouvements de panique sur le forex se traduisant par des ventes massives alors qu’une analyse des données régionales, passées inaperçues sur le marché, auraient certainement permis à l’avance de comprendre que la première estimation ne reflète pas la réalité économique. Une bonne analyse peut constituer pour un trader averti un atout par rapport à la cohorte de suiveurs qui adoptent des comportements mimétiques, comme l’a souligné Keynes dès les années 30.
Au lieu d’uniquement se focaliser sur le PIB et les NFP, les traders auraient intérêt à essayer d’accroître leur savoir sur l’économie américaine en s’attardant davantage sur les données régionales afin d’avoir un avantage décisif lorsque ces données seront intégrées à terme dans les prix par rapport aux autres traders.