Dès le XVIIIe siècle, le dit père fondateur des sciences économiques Adam Smith montrait que l’échange était non pas un conflit où il y a un gagnant et un perdant, mais au contraire, un processus dans lequel les deux partis gagnent. Les développements théoriques montrent l’intérêt qu’a une économie à se spécialiser et aboutit à la théorie des zones monétaires optimales alors que le monde était régi par l’étalon dollar-or imposé par les accords de Bretton Woods. Aujourd’hui, l’Union Européenne Monétaire remet à jour la théorie, employée pour tenter de percevoir une sortie de la crise.
Le principe de la théorie est de trouver le point auquel il devient plus intéressant de disposer d’une monnaie commune plutôt que de multiples monnaies nationales en change flottante. Il est montré que cet intérêt est fonction croissante de l’intégration du pays dans la zone considérée. Pourquoi? D’une part, une monnaie commune favorise les échanges puisqu’elle évite le risque lié aux changes. En cas de choc asymétrique, c’est-à-dire ne touchant qu’une partie de l’ensemble monétaire, le rééquilibrage s’opérerait par la mobilité des facteurs de production. En effet, il est impossible de dévaluer une monnaie si elle est commune. En créant du chômage d’un part, et de l’inflation d’autre part, la main-d’œuvre rétablit l’équilibre.
Mervyn King, le prédécesseur de Mark Carney à la BoE, voit quatre issues possibles à cette situation de Bretton Woods européen. La première serait d’opérer les équilibrages par un transfert budgétaire. Par exemple, l’Allemagne, le grand exportateur européen, se verrait ainsi obligée à transférer des capitaux vers la Grèce. C’est un pas considérable vers le fédéralisme européen, et les enjeux pour les économies sont importants et requièrent une forte intégration politique ce que l’Europe n’a pas puisque les organismes européens sont composés de fonctionnaires et n’ont donc à ce titre pas de réelle légitimité. On peut néanmoins noter que la monnaie commune a cette vertu de forcer les autorités nationales à coopérer et l’Europe se dote ainsi de fonds d’aide compensant les crises que traversent davantage certains pays.
Une seconde serait d’opérer l’équilibrage par la mobilité du facteur travail. Cependant, la réalité européenne est éloignée de la théorie. Le facteur travail est peu mobile, mais sous la pression du chômage espagnol, on constate effectivement des flux de travailleurs intra-européens, notamment de l’Espagne à l’Allemagne où l’on recrute encore. L’enseignement des langues a toutefois pris de l’importance au cours des deux dernières décennies, et des programmes tels qu’Erasmus incitent au voyage en Europe, et participent à une identité davantage européenne que nationale.
Une troisième serait de poursuivre les politiques de rigueur entreprises, non pas pour permettre à l’Etat d’économiser, mais pour faire baisser les prix intérieurs et les salaires. Evidemment, cette option est très dure envers la population, et le bien-être qui devrait être l’objectif des politiques économiques semble être oublié. En outre, l’efficacité du processus peut être remise en question sur un territoire ù l’industrie est absente.
Enfin, la dernière solution reviendrait à réviser les membres de l’Euro-zone. Cette solution aurait de lourdes répercussions politiques, d’autant plus que des mouvements extrémistes pourraient en tirer un certain prestige. Il devient clair que disposer d’une monnaie commune peut soulever des difficultés lorsqu’il s’agit d’une multitude de souverainetés. Une solution durable serait donc construire une Europe politique et fédérale. Le rêve de Victor Hugo à propos des Etats-Unis d’Europe est peut-être finalement l’aboutissement des efforts de construction européenne.