Plusieurs facteurs permettent d’expliquer cette chute des prix, les principaux étant économiques. Le ralentissement de l’économie mondiale et l’essoufflement de la Chine pèsent sur la demande. Du côté de l’offre, nous assistons à une hausse de la production plus rapide que prévue ; alors que les Etats-Unis continuent l’exploitation massive de gaz de schiste, l’Opep refuse de revoir à la baisse sa production de pétrole. Au final, l’écart entre la demande et l’offre mondiale (6 milliards de barils par jour) provoque une baisse des prix. Les facteurs géopolitiques (Proche / Moyen Orient ; Russie) ainsi que monétaires (fin du QE aux Etats-Unis) accentuent également cette tendance.
Cette baisse du cours du pétrole peut être vue comme une aubaine pour la zone euro dont l’activité économique est particulièrement morose. Cependant, tous les acteurs économiques ne vont pas en profiter de la même manière. Ainsi l’industrie et les transports sont les secteurs les plus bénéficiaires. La baisse des prix diminue leurs coûts de production et leurs permet de restituer leurs marges, une condition nécessaire à l’investissement. L’impact sur la demande des ménages sera manifestement plus minime sachant que l’effet sur le pouvoir d’achat dépend largement de la propension marginale à consommer. Il ne concerne d’autant plus que les postes carburant / énergie.
La zone euro où l’inflation est déjà proche de 0% peut néanmoins s’inquiéter de cette forte baisse qui risque de tirer les prix un peu plus en territoire négatif. Pour le pétrole, il faut bien comprendre que lorsque son prix baisse de 1%, l’effet est répercuté sur l’indice des prix compte tenu de la part du pétrole dans le panier de l’IPC. Les études montrent qu’une diminution de 10% des prix du pétrole a un impact négatif sur le niveau des prix de 0,1 à 0,3 % pour la première année. Alors que l’inflation en zone euro est estimée aux alentours de 0,3%, les risques déflationnistes sont donc accentués par cette chute persistante.
La baisse des prix accroît aussi le risque d’une augmentation des taux d’intérêt réel, dont le montant de l’investissement dépend fortement. La zone euro qui souffre justement d’une contraction du crédit bancaire peut s’inquiéter de la hausse future de ces taux qui peuvent compromettre les actions prises récemment par la BCE.
Au final, il est important de nuancer l’impact de la chute des prix du pétrole. Cette baisse peut, en effet, contribuer à relancer la production et la croissance. Mais il existe un réel danger pour les régions où l’inflation est déjà faible, c’est-à-dire pour la zone euro. Il apparaît donc nécessaire que la BCE emploie de nouveaux outils afin d’éviter la déflation, la pire chose qui puisse exister pour une économie selon Jacques Rueff.