Dès le traité de Maastricht, le Royaume-Uni avait décidé de faire valoir une clause d’ « opting out » afin de ne pas entrer dans la zone euro. Fort d’une bonne croissance, notamment sous la période Blair, qui a entraîné la devise britannique jusqu’à des sommets dans les années 90, certains allant même jusqu’à considérer que la livre sterling était surévaluée, le Royaume-Uni n’a jamais envisagé sérieusement la possibilité d’une adoption de la monnaie unique européenne. De fait, ce n’était pas nécessaire et les responsables britanniques, vite accusés d’euroscepticisme, pouvaient même se targuer devant leurs homologues de la zone euro de la bonne santé de la livre sterling.
Même en cette période de bouleversement sur le marché des changes, Londres n’envisage toujours pas, à l’inverse de l’Islande par exemple, une adoption de l’euro. Certes, la livre sterling connaît une chute considérable face aux autres devises sur le marché des changes, permettant notamment à une horde de touristes français de prendre l’Eurostar pour faire leurs emplettes à Londres, mais nul n’imagine encore l’abandon d’un attribut si essentiel de la souveraineté qu’est la monnaie.
Certes, la livre sterling a perdu plus de 15% de sa valeur face à l’euro et au dollar, s’inscrivant notamment sous 1,20 euro jeudi dernier, soit son niveau le plus bas depuis le lancement de la devise de la zone euro en 1999. Pour autant, la livre sterling devrait finir par rebondir. A l’instar de la bourse où les actions ne peuvent qu’augmenter lorsqu’elles ont atteint un certain seuil, souvent qualifié de psychologique, la devise britannique devrait reprendre des couleurs prochainement. Cependant, ce n’est pas dans l’immédiat. En effet, les perspectives économiques sont très sombres pour le Royaume-Uni qui est entré techniquement en récession après avoir accusé une contraction de 0,5% de son PIB au troisième trimestre.
Dans ce contexte exceptionnel, le gouverneur de la banque d’Angleterre, Mervyn King, propose de baisser les impôts afin de soutenir l’activité ou d’augmenter les dépenses publiques. A ces mesures, il prévoit de continuer à baisser les taux d’intérêt, sachant que les pressions inflationnistes sont presque nulles. En effet, d’après la banque d’Angleterre, avec une politique monétaire inchangée, l’inflation devrait se rapprocher d’ici à 2010 de 1%. Sachant que Goldman Sachs prévoit une baisse des taux d’un point en décembre et de 0,5 point en février 2009, portant ainsi le taux directeur à 1,5%, cela laisse une marge de manœuvre importante à la banque centrale du point de vue de l’inflation.
Pour autant, la livre sterling ne devrait pas profiter des fruits d’une politique monétaire agressive outre manche. En effet, d’après de nombreux analystes du marché des changes, la livre sterling devrait dans les prochains mois descendre en dessous de 1,10 euro et 1,40 dollar. A l’inverse de la bourse, ce n’est donc pas le moment d’acheter. Mieux vaut attendre que la livre se ressaisisse ce qui pourrait prendre plusieurs mois. Pour autant, la redistribution des cartes monétaires qui est en train de se passer sous nos yeux ne devrait pas sur le long terme modifier la donne. La livre reviendra en force, le dollar australien devrait redevenir le chouchou des traders et l’euro ne devrait toujours pas, au grand dam du président Sarkozy, concurrencer de trop près l’hégémonie du dollar.