Alors que la vigueur de la monnaie unique européenne sur le marché des devises pénalise fortement le commerce extérieur des pays membres de la zone euro, l’attraction pour l’euro demeure intacte dans les pays candidats à son adoption. Comment expliquer cela ?
Certes, la force de l’euro par rapport au dollar n’est que conjoncturelle, largement héritée de la crise des subprimes qui a déprimé l’économie américaine et fait douter des perspectives de croissance pour l’année en cours. Pour autant, l’euro, depuis sa mise en circulation effective, a souvent fait des mécontents et certains pays membres importants en terme de poids économique et politique de l’Union Européenne, au premier rang desquels le Royaume Uni, ont refusé et refuse d’envisager l’adoption de la monnaie unique.
L’euro, à l’instar des autres devises telle que le dollar ou le franc suisse, est d’abord un commode moyen de paiement qui relie les pays de l’euroland entre eux, faisant tomber les barrières économiques liées au taux de change. C’est un moyen de paiement que peuvent tous les jours, au moindre achat, utiliser les usagers, en France ou dans les pays de la zone euro. Instrument d’harmonisation, il a aussi conduit à une hausse des prix dans les nouveaux pays membres, comme la Slovénie, qui correspond à un ajustement temporaire.
Mais, au-delà de cette fonction première de moyen de paiement, l’euro a aussi une valeur symbolique. C’est le moyen d’atteindre, en utilisant la Méthode Monnet des petits pas, l’unité européenne. Cela implique donc de dépasser les intérêts nationaux, en particulier en abandonnant la souveraineté monétaire, afin de parvenir à privilégier l’intérêt commun. Cet intérêt commun doit être en particulier garanti par l’indépendance de la Banque Centrale Européenne.
Ainsi, bien plus qu’une devise telle que le yen ou le yuan, l’euro a une portée politique extrêmement importante. C’est le moyen de montrer et d’affirmer, en l’absence de président européen ou de gouvernement de l’Europe, l’unité de l’Europe, continent qui fut déchiré par des guerres de domination successives. Alors que Kissinger s’amusait à critiquer l’absence d’interlocuteur européen, à juste titre, l’euro essaie de palier les lacunes actuelles de l’organisation européenne pour afficher une unité de façade vis-à-vis de ses partenaires, particulièrement économiques.
Certes, cette unité n’est que de façade et, reposant essentiellement sur une devise monétaire, peut paraître bien pâle face à des monnaies aussi fortes que le dollar derrière lequel un interlocuteur direct peut être identifié, en l’occurrence le résident de la Maison Blanche. Cependant, face à la désaffection actuelle, mais qui peut être interprétée comme plus ancienne, du dollar, en particulier des pays membres de l’OPEP, il s’agit de reconnaître que l’aventure européenne, dynamisée par l’introduction de l’euro, semble plutôt être une réussite qui laisse germer l’espoir.