Au cours du seul mois de juillet, l’action de Bank of America a presque perdu 40%. L’annonce de la vente par la banque américaine de 50 000 actions préférentielles et de 700 millions d’options à Warren Buffett pour un montant de 5 milliards de dollars a confirmé les craintes les plus terribles du marché, c’est à dire que l’entreprise a un fort besoin d’argent.
Du fait d’un management en berne, Bank of America a levé de l’argent grâce à Warren Buffett mais à un coût nettement plus élevé qu’il y a six mois, soulignant l’attitude irresponsable des dirigeants de la firme qui attendent au dernier moment pour lever de l’argent.
Cependant, cette dilution du capital est encore insuffisante pour subvenir aux besoins financiers de Bank of America. Selon le marché, la banque va être contrainte prochainement de reconnaître publiquement, ce qu’elle a refusé jusqu’à présent, que ses actifs ne valent pas la valeur qu’elle prétend ce qui va conduire à une révision à la baisse de leur valeur, obligeant Bank of America à augmenter encore beaucoup plus son capital.
Pour les anciens investisseurs individuels de la banque, c’est à dire Monsieur Tout le Monde qui décide d’investir sur les marchés actions pour faire fructifier ses économies, cela se traduira par une baisse des perspectives de gains. Tout cela est à mille lieux du brillant accord conclu par Warren Buffett pour aider Bank of America. Même en cas de nouvelle dilution du capital, les gains du milliardaire sont largement protégés puisque l’accord passé a abouti au versement d’un dividende de 6%, à l’achat d’actions préférentielles qui seront partiellement protégées des pertes futures de la banque et, en plus, l’oracle d’Omaha a aussi obtenu une option permettant l’achat de 7% de Bank of America.
Selon des experts du secteur bancaire américain, une dépréciation des actifs de Bank of America est inévitable car une grande partie des prêts immobiliers de la banque sont encore constitués de prêts émis pendant les pires moments de la bulle immobilière outre-Atlantique. Pour l’instant, ces prêts n’apparaissent pas dans les statistiques des prêts non performants de la société grâce à une manipulation des règles comptables. Il est en effet probable que la banque, mais aussi d’autres aux Etats-Unis, permettent aux propriétaires qui ne peuvent plus faire face à leurs créances de ne pas payer pendant quelques mois et d’effectuer un versement juste avant que le prêt ne soit classé comme “non-performant”.
Pour l’instant, nul n’est en mesure de connaître la valeur exacte des actifs de Bank of America, même pas Warren Buffett. En effet, l’ensemble des actifs de la société est d’une complexité extraordinaire et la banque n’a pas fourni assez d’informations à leur sujet pour que les meilleurs analystes puissent formuler un jugement valable. Selon certaines estimations, le bilan de la banque serait de près de 2.2 trillions de dollars. Si les craintes des marchés sont fondés, une dégradation de la valeur des actifs de la banque, d’environ 5 à 10%, pourrait résulter en une dépréciation comprise entre 100 et 200 milliards de dollars, obligeant la banque à lever rapidement de l’argent. Le seul mystère réside dans le montant à lever. Une chose est sûre, les cinq milliards injectés par Warren Buffett sont désormais jugés insuffisants, même par les analystes qui, il y a encore quelques mois, soulignaient à outrance la solidité financière de la banque américaine.
Jusqu’à présent, l’équipe dirigeante de Bank of America s’est efforcée de contredire les rumeurs mais cet épisode n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé en 2008 lorsque les analystes soulignaient la solidité financière et leur confiance dans les banques américaines, notamment Lehman Brothers ou encore l’assureur AIG.
Espérons évidemment que les craintes de plus en plus exacerbées des marchés financiers soient infondées mais, si ce n’est pas le cas, un nouvel épisode de la crise de 2008 pourrait s’ouvrir pour les banques américaines. La demande insolite de la Fed, vendredi dernier, à Bank of America de présenter les mesures qu’elle prendrait si les conditions de son activité se dégradaient n’est pas pour apaiser les prévisions les plus pessimistes concernant la banque américaine.