Le vote affirmatif du peuple anglais en faveur du Brexit dépend plus d’un sentiment nationaliste déplacé que d’une connaissance approfondie des conséquences économiques que cette décision soulèvera des deux côtes de la Manche. Néanmoins, on est en droit de réclamer plus de circonspection dans les propos des dirigeants politiques et financiers français, à leur tête, le Chef du Gouvernement, le Ministre de l’Économie et le Président de la Banque de France, incapables de dissimuler leur enthousiasme. Telle Jeanne d’Arc au XV ͤ siècle, l’entrain de ces derniers à bouter les Rosbifs hors du Vieux Continent équivaut à « jeter le bébé avec l’eau du bain », pour reprendre l’expression anglaise. Nous avons réuni, pour nos lecteurs, quelques-unes des conséquences négatives qui pourraient découler de ce divorce douloureux.
Un trou dans le budget européen (et français) :
Le Royaume-Uni verse chaque année 15,2 milliards d’euros dans les caisses de Bruxelles, soit plus d’un dixième du budget total de l’UE, pour n’en obtenir que 6,7 en échange. Cette perte importante d’approvisionnement financier devra être compensée et la note sera répartie entre les 27 autres pays de l’UE, dont la plupart sont loin d’être aussi « bons payeurs » que l’Angleterre. Selon les estimations du Sénat, les contributions de la France devront s’élargir de 5 %, soit 1 milliard d’euros. De plus, avec un PIB qui représente 16% de celui de l’UE, l’Angleterre est l’une de ses principales économies. Sans elle, c’est tout le continent qui s’expose au déclin du niveau de vie moyen de ses habitants. Sans compter les pertes d’emplois dans les secteurs dépendants du commerce avec la Grande-Bretagne.
Un voisinage prolifique:
Le Royaume-Uni représente 7 % du trafic commercial de la France et 10 % de ses exportations, ce qui correspond à pas moins de 31 milliards de dollars (contre 12,2 milliards du côté des britanniques). Réinstaurer les mesures de taxations douanières et fiscales désuètes depuis plus de 40 ans pourrait porter un coup de grâce à ce partenariat prospère. Selon les spécialistes, cette perte commerciale provoquera une contraction de 0,2 à 0,4 point du PIB de l’hexagone déjà en mauvaise posture en raison de la crise du commerce mondial. Pire encore, cette chute éloignera une partie des investissements étrangers vers les pays hors UE, moins touchés par cet impact économique.
L’appât du gain:
La City de Londres est l’un des principaux check-points financiers du Monde en termes de volumes d’actifs bancaires (10,4 trillions d’euros) et héberge cinq fois plus de banques étrangères que toute autre capitale européenne. Attachées au professionnalisme britannique, les entreprises étrangères font usage du statut privilégié des banques britanniques sur les marchés de la Zone Euro pour conclure des contrats commerciaux profitables à tout l’échiquier mondial mais surtout, aux sociétés européennes.
Certains politiciens se frottent d’ores et déjà les mains face à la déconfiture passagère que rencontrent leurs voisins Outre-Manche, tirant profit de ces millions de transactions journalières dans le cadre des Bourses et des institutions banquières. Privé de son visa exclusif, Londres aura du mal à conserver sa fidèle clientèle, poussée à accomplir une relocalisation sur le continent afin de poursuivre ses contrats sur le marché européen.
Il faut toutefois refroidir les ardeurs des opportunistes trop cupides pour envisager que les as londoniens de la finance n’ont pas d’autres atouts dans leur jeu. En effet, on parle déjà d’une conversion de la City en paradis fiscal offrant encore plus d’avantages fiscaux aux businessmen des quatre coins du globe…
Conclusion :
L’Union Européenne à tout intérêt à repousser la demande de divorce exigée par les citoyens de la Perfide Albion. Dans ce type de séparation couteuse et traumatisante pour les deux parties, on peut s’attendre à des pourparlers pénibles sur le partage des biens et l’avenir « de la garde des enfants ». À défaut de mariage en bonne et due forme, un concubinage tel que celui en cours avec la Suisse ou la Norvège devrait sérieusement être envisagé dans l’intérêt des partis.
Quoi qu’il en soit, Paris et Berlin doivent renoncer à leur ambition de se substituer à la place privilégiée dont dispose l’Angleterre vis-à-vis des marchés américains et asiatiques : (réglementation, langue, mode de travail,…). Tôt ou tard, il va falloir admettre que les services de courtage de qualité procurés par les agents financiers londoniens jouent un rôle majeur et ont une valeur irremplaçable pour l’ensemble des marchés financiers de la Zone Euro. Il revient aux dirigeants européens de renoncer à la tentation de tuer la poule aux œufs d’or britannique. Le coq français est certainement le mieux placé pour reconquérir le cœur de sa féconde femelle…