Nous pourrions résumer cette semaine mouvementée sur le marché des changes en quelques phrases très simples. C’est un véritable haro sur les valeurs refuges qui s’est produit cette semaine. Par valeurs refuges, nous entendons le yen évidemment mais aussi le dollar et le franc suisse. Bien sûr, la baisse accentuée des bourses mondiales, les craintes de récession au Royaume-Uni et dans la zone euro expliquent largement les mouvements de fortes amplitudes observés sur le marché des changes ces dernières semaines, et notamment la baisse de la livre sterling et de l’euro. Cependant,la volatilité actuelle des taux de change implique une mécanique un peu plus compliquée.
En fait, la baisse de l’euro face au dollar et au yen s’explique par le débouclement de positions de carry trade sur le yen mais également sur le dollar. Le yen a été abondamment utilisé par les hedge funds pour des opérations spéculatives du fait des faibles taux d’intérêt pratiqués par la banque centrale japonaise. Les hedge funds ont ensuite utilisé les yens empruntés pour acheter, entre autres, des devises des pays émergents, comme la lire turque ou le rand sud africain, ou des pays océaniques, comme le dollar australien ou le dollar néo-zélandais. Il faut également ajouter le fait que les ménages japonais se sont pris de passion depuis quelques années pour le trading en ligne sur les devises, à l’instar de plus en plus de français. Enfin, en parallèle, un phénomène de carry trade s’est développé sur le dollar qui est abondamment utilisé comme monnaie de financement par les grandes banques internationales. Une grande partie notamment des devises des pays émergents a été placée en dollar dans les filiales londoniennes des grandes banques européennes qui ont ensuite massivement investi sur l’immobilier outre atlantique, avec les conséquences que nous connaissons tous. Depuis la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre dernier, le système a plus ou moins explosé, provoquant un assèchement du marché qui s’est répandu comme boule de neige à l’Europe. Depuis, les gouvernements sont massivement intervenus pour restaurer la confiance, en lançant notamment des plans de sauvetage du secteur bancaire ou en allant secourir des banques menacées de faillite.
La conséquence directe du manque de confiance sur les marchés fut un rapatriement des fonds notamment vers les Etats-Unis, ce qui a pénalisé les devises émergentes, et un repli vers les valeurs refuges, comme le yen. D’après la plupart des cambistes, la baisse constatée de l’euro devrait se poursuivre. Certains analystes s’attendent même à ce que la monnaie unique européenne atteigne d’ici à quelques semaines le seuil de 1,25 dollar alors que ce niveau n’était pas attendu avant la fin de l’année du fait d’un retournement de situation. Enfin, du côté du yen, la tendance devrait commencer à s’apaiser prochainement. Il est en effet prévu que le gouvernement japonais intervienne bientôt sur le marché des changes afin de contenir la hausse du yen face au dollar qui pénalise les entreprises exportatrices japonaises.