Bien que les deux candidats en lice, Humala et la fille de l’ancien président Fujimori, étaient loin de susciter l’engouement des marchés, nul n’aurait pu prédire un tel effrondrement, en l’espace de seulement quelques minutes, de la place financière de Lima.
Aux cris d’acclamation des partisans du nouveau président Humala a répondu l’inquiétude des investisseurs qui s’est traduite très concrètement par une chute de près de 9% du principal indice de la Bourse de Lima, ce qui a conduit à la suspension temporaire des échanges, et à une dégringolade de 1.2% du sol péruvien face au dollar en tout début de matinée.
Ce soutien a permis à Humala de se lancer dès 2006 dans sa première campagne présidentielle qui se révéla plutôt être un échec. Il n’eut pas le même succès que son mentor qui gagna les élections la même année, pour la deuxième fois consécutive, avec 63% des voix face à Manuel Rosales.
Conscient que l’ombre de Caracas l’avait desservi, Humala, sans réellement rompre idéologiquement avec Chavez, a tenté de recentrer son discours politique en se rapprochant notamment du Parti des Travailleurs et de l’ancien président Lula. Adoptant un discours désormais plus social que révolutionnaire, Humala a réussi à séduire une population pauvre en dépit d’une forte croissance et de la richesse en matières premières du pays. Une situation qui n’est pas sans rappeler le Venezuela.
Cependant, pour rompre avec la pauvreté, Humala est tenté, d’après son programme économique, de recourir aux recettes de la révolution bolivarienne qui furent appliquées aussi en Equateur et en Bolivie avec le succès que nous savons. L’une des premières étapes du mandat du nouveau président devrait être d’augmenter les taxes sur les compagnies minières qui travaillent au Pérou. L’argent ainsi récolté devrait permettre de subventionner des programmes de lutte contre la pauvreté, comme ceux mis en place au Brésil.
Cependant, augmenter les taxes sur les compagnies minières qui représentent la base industrielle du pays est loin d’être judicieux car cela a pour conséquence d’effrayer les investisseurs qui, ayant connaissance de la connivence entre Humala et Chavez, n’excluent pas que cette hausse des taxes se transforment dans les mois ou les années à venir en expropriations arbitraires.
Même si cela ne devait pas être le cas, cette hausse radicale est prompte à nuire à l’environnement économique alors que le pays est avant tout une nation exportatrice. Que le nouveau président souhaite développer un marché intérieur, via la lutte contre la pauvreté, afin d’ériger une classe moyenne consommatrice et majoritaire au sein de la société est plus que louable. Cependant, cela n’est pas réalisable si les investisseurs étrangers fuient le pays.
Transformer une économie centrée sur les exportations vers une économie centrée sur les importation,s via des subventions, une manipulation des prix et aussi la création de fonds alimentaires, est tout simplement voué à l’échec. Cette transformation nuira d’abord au tissu industriel en coupant les entreprises nationales du reste de l’économie mondiale ce qui se traduira par une perte de compétitivité et une chute de la production industrielle. Par ailleurs, une politique économique de prix subventionnés, comme esquissée par Humala, n’est pas tenable en raison des ressources limitées de l’Etat, même en cas de hausse des taxes applicables aux entreprises minières. Le Pérou n’a pas les moyens d’une telle politique économique. Le Pérou n’est pas le Venezuela qui peut compter sur les revenus abondants du pétrole.
Au final, cette politique économique intenable devrait tout simplement conduire à une hausse des prix alimentaires, à un recours massif à la planche à billets par le gouvernement, de quoi entretenir le cycle inflationniste et atteindre des taux d’inflation dignes du modèle vénézuélien. Le Pérou aura alors fait sa mue révolutionnaire.