En Inde, la banque centrale est considérée très largement comme l’une des institutions du pays qui est la mieux gérée, parvenant notamment à trouver un équilibre, certes fragile, entre les intérêts des riches industriels et ceux d’une population qui vit encore largement dans la pauvreté.
Toutefois, dans une récente étude comparant le niveau d’indépendance des banques centrales au niveau mondial, la Banque de Réserve Indienne est ressortie bonne dernière, soulignant les nombreuses pressions politiques qui pèsent sur l’institution.
Elles ont d’ailleurs conduit l’ancien gouverneur Subbarao à démissionner avec fracas début septembre après plusieurs mois de rupture complète entre la banque centrale et le gouvernement. Dans son dernier discours, il a mis en garde le parti en pouvoir, l’accusant d’être à l’origine des récents déboires de la roupie indienne sur le forex en raison d’un accroissement du déficit du compte courant.
Comme dans de nombreux pays émergents, la banque centrale indienne a un statut, qui remonte à 1934, qui la place directement sous la tutelle des autorités politiques conduisant parfois à certains errements, comme le seigneuriage, c’est-à-dire le financement par la planche à billets du déficit public. On est donc loin des standards occidentaux où l’indépendance des banques centrales, parfois très relative comme au Japon, est la pierre angulaire de la politique monétaire. Christian de Boissieu et Michel Aglietta vantent ainsi un modèle d’indépendance dans leurs travaux qui repose sur trois critères: une indépendance organique, une indépendance financière et une indépendance fonctionnelle.
Cependant, la démission du gouverneur Subbarao a semble-t-il fait bouger les lignes, sans remise en cause officielle du statut de 1934 pour autant. Le nouveau gouverneur aurait négocié un accord informel délimitant mieux les marges de manoeuvre de chacun: à la banque centrale la définition de la politique monétaire en toute indépendance, au gouvernement la nécessaire réforme du secteur financier.
Le marché des changes a réagi positivement à cette annonce qui devrait renforcer la crédibilité de la banque centrale alors que le pays fait face à sa plus grave crise depuis 1991. Si la gestion de la Banque de Réserve Indienne durant la crise des subprimes a été plébiscitée de tous, l’Inde ne pourra pas autant faire l’impasse sur une mue de sa politique monétaire vers plus d’indépendance afin de garantir à terme la stabilité de la roupie indienne dans un système monétaire international qui reste toujours aussi chaotique.