Depuis ces derniers mois, la hausse constante du cours de l’euro par rapport à son homologue américain a sérieusement entamé la confiance des industriels dans la capacité de la monnaie unique à protéger la zone euro contre les fluctuations du dollar.
Certes, l’euro est devenu le chouchou des épargnants et des professions du show-biz qui préfèrent maintenant encaisser leurs cachets en monnaie unique.
Cependant, la hausse de l’euro représente un drame pour les industriels. Comme l’ont rappelé à tambours battants Louis Gallois et Charles Edelstenne, respectivement patron d’EADS et patron de Dassault Aviation, un euro fort constitue un frein à la compétitivité des entreprises européennes, particulièrement celles tournées vers l’export. D’où la menace à peine voilée d’un risque de délocalisation des activités industrielles à terme afin de reconquérir des parts de marché.
Même après avoir soutenu des mois durant « adorer l’euro fort », le ministre allemand des finances, Peer Steinbrück, a admis récemment que « le taux de change du dollar et les prix du pétrole pourraient peser sur le développement économique » en Europe. Selon les économistes de l’OFCE, à chaque fois que l’euro s’apprécie de 10%, c’est entre 0,5 et 1 point de croissance en moins.
Ainsi, contrairement à son objectif initial, l’euro ne parvient pas à protéger les industries européennes et à devenir un facteur de croissance. Cette incapacité, en dépit de la force actuelle de l’euro sur le marché des changes, s’explique par le fait que l’euro demeure une monnaie régionale utilisée essentiellement dans les pays qui ont des liens économiques et politiques avec la zone euro, à savoir les membres de l’UE qui n’ont pas adopté l’euro, les pays candidats à l’adhésion et les pays de la zone franc CFA. Contrairement au dollar qui reste la monnaie dans laquelle sont libellés plus de 60% du commerce international, l’euro n’est utilisé que par un club restreint qui regroupe une trentaine de pays. En face, la zone dollar regroupe l’immense majorité de l’Amérique latine, à l’exception notable du Brésil, et la quasi-totalité des pays du Moyen Orient et d’Asie. En particulier, le dollar de Hongkong est rattaché strictement au billet vert et le yuan de la Chine au moins en partie.
Bien que les monarchies pétrolières du Moyen Orient ont été irritées de la faiblesse du dollar qui a eu pour impact de réduire leur rente, au-delà des effets d’annonce de faire perdre au dollar son monopole de pétromonnaie, aucun pays n’a osé franchir le pas par peur de représailles américaines.
Face à l’euro, le réel avantage du dollar, outre son assise politique, est qu’il bénéficie d’une infrastructure financière inédite que n’a pas encore atteint l’euro car les marchés financiers dans l’euroland ne sont pas intégrés.