L’Italie, d’abord attaquée par les agences de notation financière, est maintenant dans la ligne de mire des spéculateurs et des fonds d’investissement. Ce n’est pas tant la note de la dette italienne que les spécificités de cette dette qui provoquent l’inquiétude des marchés financiers. En effet, la note de la dette de long terme du pays est correcte, notamment au regard d’autres pays européens. Placée sous perspective négative en mai par S&P, l’Italie est néanmoins notée A+ par l’agence de notation, Aa2 par Moody’s et AA- par Fitch. Loin des niveaux atteints par la Grèce, l’Irlande ou le Portugal.
En fait, la crise souveraine grecque et le risque de contagion, psychose largement alimentée par les agences de notation, ont mis en évidence, au yeux des investisseurs, les faiblesses de la dette italienne. De quoi largement alimenter la spéculation. Depuis mai et la décision de S&P, la spéculation n’a cessé d’enfler, les opérateurs vendant leurs obligations et achetant des CDS, normalement utilisés pour se protéger contre un risque de défaut de paiement. Cependant, au cours des derniers jours, le phénomène s’est amplifié à un rythme inquiétant puisque les taux italiens à dix ans évoluent désormais à des niveaux records, proches de la fourchette de 5.5%/5.7% qui est traditionnellement considérée comme critique par les banques.
Pendant longtemps, afin de faire face au poids de la dette, Rome l’a écoulé via des contrats à terme, titres qui sont sécurisés pour une période de 8 à 11 ans, et qui sont considérés comme des instruments de couverture utilisés afin de compenser les risques des dettes publiques. Ces contrats à terme sont très lucratifs et peuvent faire l’objet de nombreux échanges. Depuis 2009, l’Italie a abondamment opté pour cette option, répondant à une demande du secteur bancaire qui tenait à se refaire une santé après la crise des subprimes. Grâce aux contrats à terme, l’Italie trouvait depuis plusieurs années facilement des investisseurs pour acheter sa dette, rivalisant ainsi en quelque sorte avec le Bund allemand. Les investisseurs y trouvaient facilement leur compte car, à chaque échange, ils prélevaient une marge sur les mouvements, de quoi enrichir un système financier en quête de nouvelles opportunités.
Cependant, le poids de la dette, en dépit de ce stratagème, est de plus en plus jugé intenable. En dépit d’un plan d’austérité de 47Mds d’euros approuvé en juin, les agences de notation, Moody’s la première, ont jugé ces efforts insuffisants. Les agences se focalisent sur les 800Mds d’euros d’obligations qui arrivent à échéance dans les prochaines années, montant que devra refinancer l’Italie. Si les taux sont maintenus à leur niveau actuel, cela signifierait une surcharge d’intérêts de plusieurs milliards d’euros par an. En d’autres termes, les économies annoncées par le gouvernement Berlusconi semblent incapables de répondre aux contraintes de la dette pour les prochaines années.
Evidemment, le climat actuel est propice à une crise d’hystérie des marchés financiers. Tout le monde, ou presque, parie sur un défaut de paiement de la Grèce et, il n’y a qu’un pas pour imaginer une contagion au reste de l’Europe. L’Italie, qui a de nombreuses faiblesses structurelles, est mal armée dans le cas d’une contagion réelle. Il suffit alors de quelques rumeurs pour affoler encore plus les marchés. La dernière en date fait état du manque de volonté des banques italiennes à acheter de la dette du pays. De quoi faire craindre le pire.
Les prochaines décisions de Bruxelles et de Rome seront scrutées de près. D’une certaine manière, l’Europe récolte simplement les fruits du laisser aller des dernières années en matière de dette publique et de déficit, les critères de Maastritch étant jugés par beaucoup de responsables européens comme optionnels. L’Italie, encore plus que d’autres, est responsable de la situation actuelle de ses finances publiques, notamment en ayant choisi l’ingéniérie financière, via les contrats à terme, pour se refinancer à bon compte sur les marchés financiers au lieu de s’attaquer plus tôt à la gestion des dépenses publiques.