Les évènements futurs donneront-ils raison à la stratégie suivie par la Banque Centrale Européenne ? En effet, à rebours de la Réserve Fédérale, Francfort poursuit, même si une légère inflexion de langage a pu être récemment constatée, une politique monétaire centrée sur le risque de pression inflationniste dans la zone euro. Depuis plusieurs mois, cette politique est contestée au sein de l’Union Européenne par les gouvernements nationaux qui pressent Jean-Claude Trichet de s’attarder sur la croissance en cette période de crise financière mondiale.
Bien que la croissance demeure généralement la préoccupation principale, spécialement aux Etats-Unis, le débat au sujet de l’impact de l’inflation sur l’économie et sur le cours des devises commence à émerger. Même en Chine, la pression inflationniste qui a atteint 7% pour la première fois depuis onze ans inquiète les autorités qui gardent en mémoire le douloureux souvenir des manifestations de 1988, précédant la répression brutale de la place Tiananmen.
En fait, la théorie économique affirme qu’en période de difficultés, les producteurs n’augmentent pas les prix et les travailleurs, craignant de perdre leur emploi, ne demandent pas des hausses de salaires. Cependant, comme souvent, la réalité contredit la théorie. Pour preuve la récente bataille des sidérurgistes allemands afin d’obtenir une hausse de 5,2% des salaires alors que l’industrie sidérurgique est plombée par une hausse de 65% du prix du minerai de fer.
Ainsi, c’est une nouvelle fois le scénario d’une stagflation, évoqué ouvertement par la Banque d’Angleterre, qui est remis sur la table. Même si la Réserve Fédérale ni la Banque Centrale Européenne ne partagent le pessimisme de Londres, une vague d’inquiétude quant à la croissance de l’inflation semble traverser de part et d’autre l’Atlantique.
Alors que la Réserve Fédérale a annoncé une révision à la baisse des perspectives de croissance pour 2008, qui a eu pour conséquence de faire baisser le dollar sur le forex, le spectre de l’inflation a surgi dans le débat parmi les intervenants du comité de politique monétaire. D’après les estimations, hors énergie et alimentation, l’inflation pourrait atteindre 2,2% alors que les prévisions d’octobre étaient de 1,7%. Il est à prévoir d’ailleurs que ces estimations soient de nouveau évaluées à la hausse.
Certes, bien que jugée « décevante », l’évolution actuelle de l’inflation ne panique pas Ben Bernanke, à l’inverse de son homologue européen. Ainsi, la Fed devrait rester pour le moment dans sa stratégie de baisse des taux. Cependant, l’inflation, conjuguée à l’actuel recul de l’activité et de l’investissement, à la baisse des créations d’emploi et de la consommation et devant le renchérissement du pétrole, devrait provoquer une « contraction » de l’économie américaine selon les économistes, qui devrait probablement pénaliser encore davantage le dollar sur le marché des changes.