La chute de la devise américaine, qui fait s’envoler l’euro à quelques enclaves de 1,60 dollar, et le risque de plus en plus possible de récession aux Etats-Unis amène les économistes à se poser une question récurrente depuis quelques années. L’état de l’économie américaine, et particulièrement le déficit énorme de la balance commerciale des Etats-Unis, remet-il en question la prééminence de la devise américaine, concurrencée à l’heure actuelle par l’euro et peut-être, à plus long terme, par le yuan chinois comme certains le prédisent ?
Selon l’économiste Michel Aglietta, à partir du moment où l’euro a franchi la barre de 1,50 dollar, il n’est plus question d’ajustement du déficit extérieur mais de véritable crise du dollar.
Jusqu’à présent, le dollar, en raison de son monopole dans les échanges commerciaux lié au pouvoir économique et politique des Etats-Unis, a permis aux américains de vivre largement au-dessus de leurs moyens et de s’endetter auprès du reste du monde afin de financer leur déficit. L’attractivité du marché américain est telle, et les perspectives de croissance, en dépit des risques actuels de récession, sont telles que les Etats-Unis attirent annuellement entre 1000 et 1500 milliards de dollars d’investissements étrangers.
Cependant, la faiblesse du dollar sur le Forex pose à l’heure actuelle un problème aigu aux pays dont les monnaies sont étroitement liées au dollar. C’est le cas en particulier des pays asiatiques et du Golfe. Ces derniers subissent une diminution de la valeur de leurs recettes d’exportations et connaissent une croissance de l’inflation en raison des importations venues des pays à monnaie forte, telle la zone euro.
Par le passé, le monde a dû s’accommoder de ces inconvénients. Déjà, en mai 1975, le dollar était tombé jusqu’à 3,97 francs, soit l’équivalent d’une euro à 1,65 dollar. Mais, depuis, un nouvel acteur est entré en scène : l’euro.
Certes, un basculement radical du dollar vers l’euro comme monnaie de référence n’est pas envisagé, bien que la banque centrale chinoise ait menacé de le faire. En effet, la réduction de la proportion du dollar dans les réserves reste un exercice compliqué pour les banques centrales. Pour autant, dans un système polycentrique, l’euro pourrait devenir dans les prochaines années un concurrent sérieux du dollar. Néanmoins, sans gouvernement européen afin de garantir une visibilité de l’action de l’UE, l’euro ne devrait pas s’imposer face au dollar.
A l’inverse, dans une dizaine d’années, quand la Chine se sera davantage ouverte à l’extérieur, le yuan devrait devenir un concurrent sérieux du dollar car, contrairement à la zone euro, la Chine est une puissance économique suffisamment forte pour imposer aux autres pays sa devise.