Avec la crise économique mondiale, les veilles recettes qui avaient fait leurs preuves pendant des années sont à remiser au placard. En effet, alors que les précédentes crises avaient généralement consacré le yen et le franc suisse, ces deux devises ont considérablement dévissées depuis quelques mois sur le marché des changes. Pour le franc suisse, son statut de valeur refuge était déjà mis à mal avant le commencement de la crise. Cependant, avec une nouvelle baisse des taux d’un demi –point et une intervention inopiné de la Banque Nationale Suisse sur le marché afin de sauver les exportations de la confédération helvétique, le franc suisse en a pris un sacré coup, restant encore hébété vendredi face au dollar et à l’euro.
Pour le yen, il n’y a pas d’équivoque, c’est une page qui se tourne. Non seulement la devise nippone n’est plus capable de rassurer les investisseurs, notamment du fait de la situation catastrophique de l’économie japonaise qui est en proie à une chute historique des exportations, mais en plus elle est clairement concurrencée par le dollar en tant que valeur refuge. Bien que les Etats Unis ne soient pas dans une meilleure situation économique, exception faite d’une stabilisation de la consommation, le dollar continue d’attirer les investisseurs. Plusieurs explications peuvent être avancées, aussi bien le potentiel incroyable du marché intérieur américain que le statut de première puissance économique et surtout militaire au niveau mondial. En effet, même pour les iraniens, qui ne font pourtant pas mystère de leur antipathie vis-à-vis des Etats-Unis, ces derniers incarnent un facteur de stabilité, notamment dans la région du Moyen Orient, là même où se trouvent d’importantes réserves d’hydrocarbures.
Ainsi, bien que les perspectives de reprise s’éloignent puisque même Ben Bernanke évoque désormais l’année 2010, les Etats-Unis tiennent encore toutes les cartes dans leur main. Comme quoi, même si une page se tourne, tout n’est pas entièrement remis à plat. La réunion des ministres des Finances du G20 ce week-end devrait montrer à quel point les Etats-Unis et la nouvelle administration américaine sont en mesure de donner le « la » à leurs partenaires. Depuis plusieurs semaines, tous les médias font largement écho d’un désaccord entre les deux bords de l’Atlantique concernant les priorités à mettre en œuvre.
Du côté de Washington, la priorité est à de nouveaux plans de relance, ce qu’a d’ailleurs soutenu le président de la Banque Mondiale, Robert Zoellick. Pékin et Tokyo ont répondu à une telle demande plutôt favorablement, laissant entendre que de nouveaux plans pourraient être mis en œuvre. A l’inverse, du côté des capitales de la zone euro, la priorité est tout autre. Par la voix du président de l’Eurogroupe, le luxembourgeois Jean Claude Juncker, les pays de la zone euro se sont refusés jusqu’à maintenant à envisager une telle possibilité.
Un front désuni entre les Etats-Unis et l’Europe au G20 du 2 avril serait dommageable, notamment pour les investisseurs qui, entre temps, sont plutôt dans l’expectative.