Même si la monnaie unique européenne est en légère perte de vitesse dernièrement sur le marché des changes, en raison d’un retour de l’aversion pour le risque qui a pour effet de pénaliser les valeurs jugées à risque, les responsables de la zone euro n’ont eu de cesse, depuis le début de la crise, de vanter la résistance des pays membres grâce à l’adoption d’une monnaie unique. La métaphore de l’ « euro-bouclier », utilisée tel un slogan par les responsables politiques européens, si elle n’est certainement pas totalement infondée, a pris depuis plusieurs mois des proportions disproportionnées.
N’hésitant pas à stigmatiser la situation économique désastreuse de l’Islande, dont la devise a connu une dévaluation sans précédent avant de reprendre progressivement des couleurs sur le marché interbancaire grâce à un contrôle des changes très strict depuis fin décembre 2008, les responsables de la zone euro n’hésitent pas à vanter le modèle économique et monétaire mis en place depuis Maastricht.
Ainsi, la crise économique et financière, qui a poussé de nombreux pays dans la tourmente, notamment notre voisin d’outre manche, constitue pour l’heure actuelle la meilleure vitrine de la zone euro. Bien que les insuffisances du système actuel soient flagrantes, la politique monétaire mise en place depuis 1999, sous l’égide de la Banque Centrale Européenne, semble avoir porté ses fruits. Après l’Islande, qui depuis plusieurs mois envisageait ce projet, le voisin norvégien pourrait à son tour déposer sa candidature à l’Union Européenne. Par Union Européenne, il faut surtout entendre, pour les deux pays, euro. En effet, ni la Norvège, qui tient à son indépendance et à sa neutralité, ni l’Islande qui a acquis son indépendance au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ne sont prêts à lâcher un tel acquis.
Pour autant, l’attractivité de l’euro est telle, notamment en cette période de crise, que la tentation est grande. Le nouveau gouvernement islandais s’est en tout cas engagé dans la voie européenne en décidant de déposer formellement sa candidature d’ici l’été, rendant une adhésion possible en 2011 selon des sources à Bruxelles.
Pour les deux pays, la procédure devrait être plutôt rapide étant donné que l’acquis communautaire est déjà largement intégré. Ainsi, après avoir réfusé par referendum à deux reprises son adhésion à l’UE en 1972 et en 1994, la Norvège s’est néanmoins engagée depuis une quinzaine d’années dans le marché unique européen, en se soumettant aux décisions européennes sans pour autant avoir voix au chapitre.
Même si la situation économique de la Norvège est moins catastrophique que celle de l’Islande, la Norvège réussissant à amortir le contre coup de la crise, le taux de chômage a grimpé tandis que le gouvernement a été contraint de puiser dans le fonds souverain norvégien, principalement alimenté par les pétro-dollars, pour faire face à la crise. Economie rentière, basée principalement sur l’exploitation des hydrocarbures, la Norvège souffre de la « maladie hollandaise », comme toutes les économies similaires. Le voisin russe n’est d’ailleurs pas épargné. Sachant que la rente pétrolière n’est pas indéfinie, la Norvège pourrait être tentée, poussée par l’inquiétude ambiante régnant dans la population, de pousser les portes de l’UE.
En intégrant l’Islande, qui représente pour l’Union qu’un faible intérêt, Bruxelles espère faire tomber, tel un domino, la Norvège dans son giron.