Que ce soient le personnage du film American Psycho ou bien l’affaire Kerviel, l’opinion a souvent une idée biaisée du métier de trader. Certes, l’image du « cow-boy trader » n’est pas totalement absurde. L’épisode Kerviel peut en témoigner même si l’affaire est certainement beaucoup plus complexe et ne peut pas se résumer seule à la dérive d’un trader tenté par les défis et l’appât du gain. Pour autant, ce serait méconnaître ce métier et surtout les évolutions entamées ces dernières années que de réduire la profession de trader à cette image biaisée.
En effet, depuis quelques années, le métier de trader connaît de profonds bouleversements qui devraient, a priori, encore se renforcer du fait de la crise financière et de dérives qui ont surgi à ce moment là sur le devant de la scène.
L’émergence d’un nouveau profil de trader
Du fait de l’importance croissance accordée aux produits exotiques et du renforcement de la surveillance des activités dans les salles de marché, le profil recherché par les banques et les autres institutions financières a beaucoup évolué. Les nouveaux traders doivent en effet pouvoir se targuer d’un parcours académique exemplaire, souvent gage de rigueur et de sérieux. Le trader doit désormais être plus appréhendé comme un gestionnaire des risques, qui applique des raisonnements mécaniques et académiques, s’occupant de la part déterministe du marché et partageant ses profits avec les équipes de vendeurs, que comme un trader à tendance individualiste, basant ses opérations sur ses intuitions. Ce dernier profil, bien qu’il ait pu apporter aux banques des profits énormes par le passé, peut aussi provoquer des pertes importantes voire précipiter leur faillite. Ainsi, Jérôme Kerviel aurait fait perdre à la Société Générale près de 4,9 milliards d’euros en prenant des positions dissimuées sur des contrats à terme sur European Index. Toutefois, le sort de la Société Générale fut toujours mieux que celui de la Barings, prestigieuse institution de la City qui fit faillite à cause des spéculations boursières de l’un de ses traders, Nick Leeson. Ces quelques épisodes malheureux ont ainsi invité les banques à plus de prudence et à un renforcement accru de la surveillance de leurs traders.
Les conséquences de cette évolution dans les salles de marché
Ce changement progressif dans le statut de trader a eu trois conséquences majeures au niveau de la salle de marché. D’abord, les prop traders et toutes les fonctions qui impliquent les capitaux propres de la banque se font de plus en plus rares. Deuxièmement, les banques font de plus en plus appel aux automates de trading, soulignant le passage du trading stochastique au trading déterministe qui implique, a priori, moins de risques. Ainsi, la banque d’affaires Goldman Sachs s’est tournée vers les automates afin de remplacer son équipe de traders des dérivés actions de New York. Enfin, la dernière conséquence majeure de cette évolution se trouve dans le recrutement. Les jeunes diplômés qui cherchent à s’engouffrer dans une carrière de trader doivent se présenter équipé : c’est à dire pourvu d’un parcours académique et éventuellement professionnel irréprochable. La motivation et le sourire ne suffisent en effet plus. Les banques uniformisent leur processus de recrutement sur celui des cadres, ce qui impliquent qu’elles recherchent des professionnels diplômés. Désormais, plus du trois quart des banques et établissements financiers passent par un « graduate program » normalisé pour recruter leurs nouveaux professionnels.