Toute personne censée serait satisfaite. En effet, le projet de loi de réforme bancaire présentée mi-mars par Christopher Dodd fait de la Fed le principal régulateur américain en renforçant considérablement ses prérogatives. Afin d’avoir un aperçu des principales mesures que comportent ce texte, nous vous invitons à lire l’article que nous lui avons consacré en cliquant ici.
Pourtant, le chef de la banque centrale américaine, Ben Bernanke, estime que ce projet de loi lèse les prérogatives existantes de la Fed. En effet, il prévoit que la régulation des banques moyennes à petites, c’est-à-dire ayant moins de 50 milliards de dollars d’actifs, passe de la compétence de la Fed à celle de la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation). Par conséquent, la Réserve Fédérale n’aurait plus qu’une autorité sur les banques plus importantes.
C’était sans compter la désapprobation de Ben Bernanke qui profite de sa légitimité retrouvée – il a été reconduit dans ses fonctions par le Congrès récemment – pour riposter. La passe d’armes entre les régulateurs bancaires américains a commencé ! Dans un discours prononcé à Orlando le 20 mars dernier, à l’occasion d’une réunion de l’Association américaine des banquiers locaux indépendants, le président de la Fed a dénoncé cette mesure, rappelant que l’intérêt de l’institution qu’il dirige pour les établissements locaux trouvait «ses racines dans la fondation de la Réserve Fédérale en 1913 ». Ben Bernanke n’est en effet pas prêt de lâcher les 6000 banques qu’il a sous son autorité.
La veille, la présidente de la FDIC, Sheila Bair, qui est nettement moins médiatisée que le président de la Fed, s’était félicitée devant la même assemblée des nouvelles prérogatives attribuées à son organisme par le projet de loi. Selon ce texte, l’autorité de tutelle serait partagée entre la FDIC et une branche du Département du Trésor. Sheila Bair a notamment affirmé : «Nous pensons que l’autorité chargée de contrôler les banques locales et de leur faire respecter les règles doit rester leur régulateur ». Au passage, elle s’est notamment élevée contre une autre disposition du texte, visant directement la Fed. Elle s’est inquiétée «d’éventuels sauvetages préparés en arrière-cuisine à travers les compétences données par l’article 13 alinéa 3 des statuts de la Réserve Fédérale », faisant référence à la mise en place d’un mécanisme de démantèlement ordonné des grandes institutions financières en difficulté prévu par le texte.
Pour l’instant, la FDIC semble en bonne position d’emporter le match qui l’oppose à la Fed. Cependant, la banque centrale américaine pourrait rebondir, sachant que Ben Bernanke a l’oreille attentive de nombreux parlementaires. Ce week-end, le président Obama appelait le Congrès à ne pas céder aux lobbys pour le vote de sa réforme bancaire, c’était sans oublier le lobby mené par la Fed et la FDIC.