“Harry Roselmack avec les traders au coeur de la crise financière” ou lorsque TF1 décide de se consacrer à un sujet au combien polémique: le monde des traders et l’influence de ces derniers dans le déclenchement de la crise de 2008.
A travers un chassé-croisé entre Londres, Paris et Athènes, le journaliste Harry Roselmack nous invite à découvrir ce monde tant honni depuis quatre ans, celui des traders. En fait, sous couvert de journalisme d’investigation, ce reportage se fait plutôt, avec un certain brio, l’écho des discussions du café du commerce. Entre les tentatives de culpabilisation des traders qui acceptent de témoigner et le regard incrédule d’Harry Roselmack, ce reportage est loin de soulever le voile que ce soit sur un métier au sujet duquel circulent beaucoup de fantasmes – celui de trader – ou sur l’origine de la dernière crise financière.
On reste notamment abasourdi par les interrogations quasi-philosophiques du journaliste qui, cherchant manifestement à savoir si les traders ont une âme comme les autres êtres humains, en arrive à se demander ce qui différencie un bon trader d’un mauvais trader. En quelques secondes, nous sommes plongés dans le fantasme du trader assoiffé d’argent et sans scrupules qui spécule sur les matières premières et affame, ainsi, les populations d’Afrique.
Pour autant, quelques points positifs sont à souligner, bien qu’ils soient en marge de la thématique principale. On apprécie notamment la rencontre avec un trader individuel qui, à partir de chez elle, avec sa station de trading à six écrans, passent ses ordres avec l’aide d’une société de conseil en trading pour 1000 euros par mois. Bien que cette personne ne soit pas représentative de la majorité des traders individuels qui commencent avec seulement quelques centaines d’euros et jonglent entre trading à domicile et activité professionnelle, cette rencontre prend acte de deux phénomènes qui influent désormais sur le trading: la démocratisation et la féminisation.
Bien que parmi les traders des grandes banques ou fonds de spéculation de Londres, on rencontre peu de femmes, elles sont désormais de plus en plus nombreuses à se lancer en solo, à partir de leur domicile. On découvre ainsi que le trading, ce n’est pas seulement faire sauter des banques et mettre à terre des pays, mais c’est aussi un métier ou une passion honorables. Cette rencontre nous offre un “retour aux sources du trading“, pour reprendre les termes employés par un trader londonien interrogé au cours du reportage, loin des mystifications.
Si le trader n’est pas totalement coupable – on apprend ainsi que les directions des banques qui rejettent elles-mêmes la faute à mot voilé sur les agences de notation ont favorisé les dérives – ça ne peut être que la finance. L’ogre “finance” surgit à la fin du reportage, à Athènes. Dans les rues de la capitale grecque, on découvre ainsi que c’est la finance qui est responsable. Responsable de la crise de 2008, responsable de la crise souveraine, responsable de l’impuissance actuelle des politiques. La finance, d’abstraction, devient objet personnifié. Pour autant, nul ne sait qui est cette finance, ou qui se cache derrière cette finance. Les banques? Les hedge funds? Goldman Sachs? Soros?…Au final, le reportage se termine comme il a commencé, sans apporter de nouvelles réponses mais en désignant un nouveau coupable que personne ne peut identifier: la finance.
Reste alors aux télespectateurs à méditer les mots d’un manifestant grec: “Il y a un moment, ce sera votre tour“.