Qui aurait cru cela possible il y a encore quelques semaines ? Et pourtant, cela semble être vrai. La BCE, viscéralement attachée à scruter les chiffres de l’inflation, semble commencer à s’attarder sur les risques évidents de ralentissement de la croissance dans la zone euro. Du moins, c’est ce qu’a laissé entendre le dernier entretien avec la presse de son gouverneur. D’ailleurs, la ministre de l’économie et des finances, Christine Lagarde, dans un entretien au Figaro, s’est empressée après son retour du G7 de se féliciter du fléchissement, certes timide pour l’instant, de la politique monétaire suivie par Francfort.
En effet, Jean-Claude Trichet semble abandonner le dogmatisme suivi par la BCE depuis sa prise de fonction pour un peu plus de pragmatisme. A-t-il entendu les lamentations des gouvernements de la zone euro, les sirènes de l’économie ou encore les mouvements agressifs de la Réserve Fédérale, nul ne le sait. La seule certitude est qu’il semble, timidement et à petits pas, laisser entendre au marché des changes que l’euro devrait connaître sur le moyen terme une future baisse des taux. Les analystes tablent en général sur une première baisse en juin d’environ 25 points de base, suivie par une deuxième baisse de même ampleur en automne. De quoi ne pas brusquer la devise européenne ni affoler trop brusquement les marchés. Surtout, cette possible, mais plus que certaine, baisse montre à quel point l’inflation, qui est certes à juste titre une préoccupation majeure dans l’euroland, demeure l’angle d’attaque de la Banque Centrale. En effet, l’ampleur de la baisse, même si elle peut être légèrement biaisée puisque ce ne sont que des prévisions pour le moment, a pour objectif de ne pas déstabiliser la monnaie unique. La prudence évidente de la BCE s’oppose diamétralement à l’agressivité de la Fed qui a, rappelons le, baissé deux fois en une semaine son taux directeur au mois de janvier.
En fait, la BCE semble progressivement plier sous l’annonce de statistiques déprimantes et sous la pression des gouvernements de la zone euro. Ainsi, une baisse de 25 points de base pourrait être interprétée comme un gage donné par l’institution aux gouvernements de la zone euro, empêtrés dans un ralentissement de l’économie dont les effets sociaux seront difficiles à gérer. D’après les dernières prévisions fournies par la BCE, la croissance de la zone euro en 2008 ne devrait s’établir qu’à 1,8% alors que les prévisions étaient de 2,1%. Les économistes de BNP Paribas sont encore plus pessimistes puisqu’ils tablent sur une croissance de seulement 1,3%. Les piètres performances actuelles de l’Italie, de l’Allemagne et de la France, en dépit de prévisions optimistes de croissance fournies par les gouvernements qui ne reflètent pas la réalité, font craindre que le ralentissement dans la zone euro sera difficile à endiguer si l’attitude de la BCE n’est pas de s’atteler à redonner du souffle à la croissance. Cela implique une baisse du taux directeur de la BCE afin de rendre plus compétitif l’euro.